vendredi 13 octobre 2023

Pierre de Saint Roman sur les rails du Positivisme

Farman Goliath PAL
Illustration de Daniel Bechennec
Bientôt 100 ans qu'aura eu lieu la traversée de l'Atlantique Sud sans escale, de Pierre de Saint Roman.  

Il avait projeté, en 1927, de développer des liens entre la France et les pays d’Amérique du Sud où de nombreux Français avaient émigré *
C’est ainsi que le comité Paris-Amérique latine (PAL) avait vu le jour. 

Il souhaitait réaliser une tournée en avion, des pays du continent sud-américain et opérer une traversée sans escale de l'Atlantique Sud, depuis Saint Louis du Sénégal à Natal (Brésil), soit une distance de 3200 kms, 

Les avions long-courriers n'avaient pas encore vu le jour et leurs rayons d’actions limités. Le raid s’avérait risqué. Le choix fut  porté sur le Farman Goliath. L'avion en question était basé à Toussus le Noble. Il était le mieux adapté pour ce genre de traversées vu que le Super-Goliath engrangeait en 1925, des records, d'altitude, de durée, de distance et plus de 12 records mondiaux.

Un double pari, tant que culturel que technologique, s’ouvrait pour ce projet, durant les années folles, dans un monde où l’influence française était à son apogée. Nous sommes aussi en plein positivisme, ce courant philosophique créé et soutenu par Auguste Comte. 

Pour comprendre la situation et l’engouement des mécènes tels que Farman pour cette traversée, un retour sur le contexte d’époque s'impose.

La relation économique entre la France et le Brésil au XIXème siècle était marquée par des échanges commerciaux importants et une influence significative de la France sur l'économie brésilienne. Le Brésil était une colonie portugaise et la France cherchait à étendre son influence économique de différentes manières en développant le commerce entre les deux pays, tels que les textiles, les vins, les produits de luxe et les armes. 

Auguste Comte
Le rayonnement français, sa culture et sa philosophie avaient un grand impact. Le positivisme a exercé une influence significative au Brésil. Ce courant de pensée philosophique et politique émane du philosophe Auguste Compte. Il est fondé sur la conviction que la science est la seule source de connaissance fiable et que la société doit être organisée selon des principes rationnels et progressistes. 
Elle prône une approche scientifique de la société et met l'accent sur l'ordre, le progrès et la stabilité sociale.
Cette philosophie a joué un rôle majeur dans la fondation de la République brésilienne, en 1889.Les positivistes brésiliens, tels que Benjamin Constant Botelho de Magalhães et Miguel Lemos, ont été des figures clés dans la lutte pour l'abolition de l'esclavage et la séparation de l'Église et de l'État.
Des idées qui se sont également répandues dans d'autres domaines de la société brésilienne, notamment l'éducation, la santé et la culture. Elles ont eu un impact durable et ont contribué à la modernisation du pays ainsi qu'à l'émergence d'une nouvelle identité nationale. 

De cette influence, naissait le drapeau du Brésil, conçu par des positivistes. Il arbore le symbole positiviste du "Carré Sacré". Il s'agit d'un rectangle vert au centre duquel figure un large losange jaune contenant un disque bleu marine. Ce disque est traversé par une bande blanche incurvée où est écrit en lettres vertes Ordem e Progresso («ordre et progrès »), devise positiviste forgée par Auguste Comte en 1848. 

Santos-Dumont 1906 sur le 14Bis à Bagatelle
Quand au monde l’aviation, la traversée de la Manche en ballon en 1849 par Jean-François Pilâtre de Rozier avait suscité un grand intérêt au Brésil.
De même en 1862, Alberto Santos-Dumont, né d'un père français et d'une mère brésilienne, construisit son premier ballon à air chaud. Il poursuivit ses expériences avec les ballons et les dirigeables, devenant l'un des pionniers de l'aviation au Brésil. C’est le 23 octobre 1906, dans la plaine de jeux de Bagatelle qu’il parvient à maintenir son 14-bis, un biplan à moteur Antoinette d’une puissance de 50 ch au-dessus du sol sur une distance d’une soixantaine de mètres « au-dessus de l’herbe ». 
L'histoire retiendra cet événement comme le premier vol à moteur, d’un plus lourd que l'air. 

La première garnison française date de 1555 avec Charles Durand de Villegagnon un militaire explorateur qui installa une base militaire dans la baie de Cuanabara - l'actuelle Rio de Janerio.