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Virgil Novell et son équipe, chez Farman à Toussus le Noble |
L'histoire commence quand, en 2018, la Catalane, Sol Vidal rend visite au Centre
Cultural Aeronàutic. C’est le musée de l’aviation que la Fundació Parc
Aeronàutic de Catalunya a inauguré à l’aéroport de Barcelone.
Elle informe les responsables, être en possession de cartes postales de 1909 à
1914 rédigées par deux frères catalans à leur oncle. Ils écrivent avoir été pilotes et ont travaillé dans des ateliers
de fabrication d’avions en France.
Quand à Sol Vidal, elle se présente comme artiste-peintre, ayant
une vague connaissance de l’histoire de l’aviation et se demandait si ces
cartes postales et cette correspondance auraient un intérêt pour la Fondation.
En 1909, aucun aéroplane n’avait volé encore en Espagne. Des essais sans succès avaient été réalisés mais il faudra
attendre l’année suivante quand le pilote français Julien Mamet sur un
Blériot XI vola à Barcelone.
Quand aux frères catalans Virgilio et Joseph Novell, dont il était
question, ils n'étaient évoqués que brièvement dans le livre "Història de l’Aviació Catalana" de Josep Canudas, comme ayant
travaillé aux ateliers de Farman, Lioré et Caillaux entre 1909 et 1914.
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Virgil Novell Construction d'un avion Grégoire - 1909 |
Leur première carte postale, remise par Sol Vidal, date du 16
d’octobre de 1909, envoyée par Virgilio à son oncle à Barcelone. On le voit au
côté d’un aéroplane Grégoire GYP en construction. Il travaille dans un atelier
qui vient d’ouvrir à Suresnes et construit des aéroplanes. Il en est maintenant
à son troisième.
Il a de bonnes rentrées et se prépare en vue de «l’Exposition ».
Très vraisemblablement, il s’agirait du 1er Salon
de la Locomotion Aérienne au Grand Palais à Paris.
Virgil aurait trouvé du travail chez le constructeur Grégoire, probablement au
travers d’un contact avec cette société à Barcelone. Grégoire y vendait ses
voitures et moteurs.
Une autre carte du 17 décembre, informe qu’ils font
souvent des vols d'essais. En effet, à cette époque les mécaniciens testaient les avions
comme le font les mécaniciens d’automobiles, lors des réparations de voitures.
Il a pu faire embaucher son frère Joseph à l’atelier, qui se rend en France de suite.
12 mai 1910 : Virgil envoie une carte-photo de Courbevoie dans laquelle les deux frères sont présents. Ils ont
déjeuné avec des mécaniciens de Blériot.
Jan Olieslagers (1) et toute l’équipe transmettent
leurs salutations. II est aussi, mention de Poillot.
Lors de la Semaine de l’Aviation à Barcelone, du 1er au 8 mai,
Jean Oslieslagers (1) gagna plusieurs prix.
Y ont participé Louis Blériot, Jacques
de Lesseps (2) et Poillot (3) .
Sans nul doute, les frères Novell étaient connus par le gratin des aviateurs.
En 1911 les frères Novell travaillent chez Farman.
Sur un
aéroplane H.Farman III, la belge Hélène
Dutrieu entame exhibitions et compétitions. A Barcelone, c’est la première
femme pilote, avec aussi premier vol
avec passager. Hélène Dutrieu (4), pilote d’essais, devient l’image de Farman.
Virgil et un autre mécanicien la suivent partout, avec un camion de pièces de rechange pour assurer maintenances et services.
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Hélène Dutrieu Toile de Sol Vidal Massaguer |
Compétitions aériennes à Florence du 7 au 14 de mai. le 14, Dutrieu gagne la Copa del Re, une course de vitesse et d’endurance, en compétition avec
Védrines (5) et Tabuteau (6), deux des grands aviateurs du moment. Virgilio est là.
Le 27 mai Virgilio est en tournée en Italie, pour
vendre des aéroplanes Farman au gouvernement italien.
Puis le 25 juin il envoie une carte de Gröningen (Allemagne). Des
compétitions ont lieu et où a participé Hélène Dutrieu.
Virgilio rate un atterrissage.
Le 19 juillet, il est à Roubaix, le 28 à Cherbourg où il fait
quelques vols de démonstrations à la Marine.
Par celle du 23 octobre il se trouve à bord du transatlantique
Chicago. Il revient des États-Unis avec Hélène Dutrieu qui y a fait un tour de
compétitions et présentations commerciales des avions Farman. Elle gagne la coupe
Femina et á Nassau Boulevard, le prix de résistance féminine.
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Toile de Sol Vidal Massaguer |
Fin 1911 Virgilio envoie une carte postale de Mourmelon,
il travaille beaucoup pour des avions à livrer aux italiens, en guerre en Afrique
du Nord.
3 mars 1912, Virgilio
envoie une carte-photo prise à l’atelier Farman de Toussus le Noble. Il est en
cravate, avec son frère et des mécaniciens. Il est chef
d’une équipe de douze mécaniciens.
Il envoie des cartes de différents lieux et voyage beaucoup. Verdun, Angleterre, Montpellier, Vienne, Bordeaux… il livre des avions et fait
de vols de promotions et démonstrations.
Sa carte avec la photo d’un aéroplane est celle d'un Farman MF7. Cet avion sera
acheté par l’armée espagnole et sera utilisé à la guerre au Maroc. Au cours de
la Grande Guerre, le Farman MF7 sera aussi fabriqué sous licence, en Espagne.
Les voyages de Virgilio se suivent, le Royaume-Uni, Lyon, Verdun,
Montpellier, Bar-le Duc, et selon une carte de son frère Joseph, Bucarest, la
Serbie, Budapest.
1913 est l’année des hydravions. La guerre est aux portes.
Le 5 mars des manœuvres militaires ont lieu à Bordeaux, quelques
jours après il est à Shermess au Royaume-Uni où il fait quelques essais sur hydravion.
A Monaco lors d’une présentation et à l’amerrissage, un coup
de vent l’envoie à l’eau. Il a failli mourir. La frayeur de sa vie.
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Mourmelon Toile de Sol Vida Massaguer |
Le 12 juin 1913 Virgilio
envoi une carte de Mailly le Camp où un Farman MF7 est stationné. Certains jours
dans ce camp on peut voir évoluer plus de vingt avions en même temps.
A la fin de l’année il est a Boulogne sur Mer et préparant cinq
hydravions équipés de télégraphie sans fis pour l’armée du Royaume-Uni. Ils seront livrés par air.
1914, début de Guerre. Sa dernière carte postale celle de la Tour
Eiffel. Les deux frères reviennent à leur ville natale de Manresa, au nord de
Barcelone. Ils ouvrent un atelier de carrosserie de voitures, camions et bus, leur
séjour en France ne sera plus qu’un beau souvenir.
Sol Vidal, notre peintre aéronautique, de ces cartes postales et
de cette correspondance, elle en a fait des jolis tableaux,
peignant l’air du monde, des frères Novell.
Nous avons eu l'occasion, en 2020 d'en faire une vidéo en Catalan, envoyée à la Fondation. Une version française sera disponible sous peu.
Texte de Jaume Alonso – traduction de sa conférence "Els primers vols"
Lien pour l'article de référence du 18 mai 2020
Fundació Parc Aeronàutic de Catalunya
(1) Jan Olieslagers (4 mai 18831 à Anvers - 23 mars 1942 à
Anvers) était un as de l'aviation belge de la Première Guerre mondiale, un
pionnier de moto. Dans sa jeunesse, il se passionne pour le vélo et devient
coureur cycliste, puis passe à la moto et accumule les records, premier à
passer les 100 km en une heure, champion du monde en 1902. Il gagna plusieurs prix lors de la deuxième
édition de la Grande Semaine d'aviation de la Champagne en 1910.
(2) Jacques de Lesseps est un pionnier français de l'aviation,
né le 5 juillet 1883 à Paris, mort dans le Saint-Laurent le 18 octobre 1927. Il
était le fils de Ferdinand de Lesseps, le diplomate qui fit creuser le canal de
Suez. il devint le deuxième pilote (près d'un an après Blériot, 25 juillet
1909) à traverser la Manche (Les Baraques - Sainte-Margaret) avec un appareil
de type monoplan Blériot, préparé par l'ingénieur Léon Lemartin. Peu après, il gagna l'Amérique du Nord et
devint le premier pilote à survoler Montréal (le 2 juillet 1910), puis Toronto
(le 13 juillet).
(3) Edmond Poillot naît le 28 janvier 1888 il
débute à L’Auto, dans le journalisme sportif Il y était fort bien préparé par
sa connaissance pratique de presque tous les sports. Bon cavalier, fleurettiste
entraîné, il avait fait aussi de l’aviron, du tennis, du patinage.
Il est surtout excellent boxeur et représente plusieurs fois la France dans des
compétitions internationales de boxeurs amateurs. Les sports mécaniques
l’attirent et, après s’être occupé de yachting automobile, il se voit confier
la rubrique aéronautique de L’Auto. Il collabore aussi à La Vie au grand air et
à L'Aérophile.
Une courte envolée en qualité de passager avec Louis Blériot le décide à
abandonner le journalisme et à devenir aviateur à son tour. En 1909 il effectue
ses premiers vols au camp de Châlons sur un biplan Voisin. En 1910 il quitte le
journal l’Auto pour faire son apprentissage à l’école de pilotage Voisin de
Mourmelon (Marne).
Au printemps 1910 il effectue pendant deux mois une série d’exhibitions
publiques en Espagne, en particulier à Barcelone le 28 mars et au Portugal. Le
6 août 1910 il est engagé par Robert Savary pour diriger son école de pilotage
à Chartres (Eure-et-Loir).
(4) Hélène Dutrieu , née à Tournai le 10 juillet 1877. Jeune
sportive, championne cycliste, motocycliste et automobile de classe
internationale. Pilote d’avion, détentrice du premier brevet féminin attribué
en Belgique; deuxième aviatrice au niveau mondial. Infirmière et ambulancière
volontaire pendant la première guerre mondiale. Journaliste et administratrice
de publications éditées en France. Honorée de plusieurs distinctions belges et
françaises. Titulaire de la Croix d’officier de la Légion d’Honneur. Membre
associée fondatrice des Vieilles Tiges belges. Membre d’honneur à titre
posthume de la Société royale Les Vieilles Tiges de l’Aviation belge. Décédée à
Paris le 26 juin 1961.
(5) Jules Védrines est un personnage à la fois inclassable et
pourtant très caractéristique des débuts de l’aviation. Né à Saint-Denis en
1881, il obtient non sans mal un brevet de pilote en 1910. Cette discipline
nouvelle, en plein essor, correspondait aux attentes d’un personnage comme
Védrines, sportif et aventurier, gouailleur et persévérant. Entre 1910 et 1914,
il participe aux grandes courses aériennes en France puis en Europe. En 1912, il participe pour la
première fois à la course Paris-Madrid, qu’il remporte en terminant seul
concurrent. L’année suivante, il part aux Etats-Unis conquérir pour la France
la coupe de vitesse Godron Bennet. En 1913, enfin, il effectue plusieurs raids
en Europe centrale puis un Paris-Le Caire. Védrines est une immense vedette de
l’aviation d’avant-guerre, qui déplace des dizaines de milliers de personnes
lorsqu’il est annoncé sur un terrain. Mobilisé en 1914 dans la nouvelle armée
aérienne, ses talents vont lui permettre de développer de nouvelles pratiques
aériennes.
(6) Maurice Tabuteau est né à Paris dans une famille aisée Après
des études classiques il entre à l’Ecole Supérieure d’Electricité, mais d’un
caractère indépendant et bien trempé, passionné de sports et de compétition il
quitte rapidement l’Ecole pour entrer dans la société Griffon comme metteur au
point et essayeur de motocyclettes.
Très familier du milieu de la construction automobile en
pleine expansion on le retrouve Directeur Technique des taxis de Dion Bouton,
puis concessionnaire des carburateurs J.R.A., qui deviendront les carburateurs Solex.
Mais sa passion des sports mécaniques va l’amener tout naturellement vers
l’Aviation. Pour apprendre à piloter il fallait à l’époque posséder l’appareil,
et comme cela était très coûteux Maurice Tabuteau s’associa en avril 1909 avec
Frank Barra pour faire l’acquisition d’un aéroplane « Maurice FARMAN » à moteur
Renault.
Après un vol d’essai comme passager fin 1909 la commande est
confirmée le 9 février 1910. Engagé dès
août 1910 pour la semaine d’aviation de Biarritz - Bayonne Maurice Tabuteau y
gagne de nombreux prix et beaucoup d’argent même s’il casse son moteur. Le
moteur changé il s’inscrit fin septembre au meeting de San Sebastian et, contrairement
aux autres participants qui y emmènent leur machine par voie terrestre, lui
rallie en vol le 28 septembre 1910 Biarritz à San Sebastian où il se pose
devant le roi et la reine d’Espagne réalisant la première liaison aérienne
France-Espagne.