Suite au succès du Centenaire de l’aéroport de Toussus et la
mémorable participation de l’aéronautique navale, la BAN a voulu baptiser cette base du nom d’un militaire décédé à Toussus le Noble.
Il fallait choisir entre celui du
Lieutenant de Vaisseau Louis Byasson pilote du premier avion Farman Marine à
Toussus en 1911 et Robert Halbronn chargé de constituer l’aviation maritime.
Mais qui est Robert
Halbronn ?
Le 3 septembre 1918 soit à peu près deux mois avant la fin de
ce conflit, un homme est mort pour la France, à Toussus le
Noble, au Trou Salé, à l’âge de vingt-sept ans.
Il s’agissait de l’Ingénieur de 1ère classe du Génie Maritime, Robert Halbronn,
pilote-aviateur.
Le 27 décembre 1890 naissait Chéri Issachar Robert Halbronn
dans le huitième arrondissement de Paris. La famille Halbronn avait également
deux filles plus âgées, Marthe Esther née en 1884 et Myriam Georgette née en
1886.
Marthe épousa le docteur Robert Foy. Oto-rhino-laryngologiste, il fut chargé
pendant la guerre de débusquer les simulateurs qui voulaient échapper à l’enrôlement.
Il inventa un appareil pour enregistrer, à leur insu, les réactions du nerf
auditif des patients ; cet appareil sera utilisé au Bourget après la guerre
pour tester l’audition des pilotes.
Bien que de mère chrétienne, Robert Foy fut déporté à Auschwitz où il décéda en
1942.
Le jeune Robert Halbronn, fait
des études brillantes au lycée Janson de Sailly. Il reçoit le prix d’excellence
en seconde et ses professeurs notent sur son livret scolaire : « élève
intelligent, des résultats excellents, ne mérite que des éloges à tous les
points de vue, élève modèle ».
Tous lui prédisent une belle carrière.
En 1909, il est admis au concours
d’entrée à Polytechnique. Lors de son service militaire. Robert Halbronn est
affecté au 39ème régiment d’artillerie à Toul et est
nommé brigadier le 10 février 1910. Son service militaire se déroule bien. Sa
scolarité est excellente, aussi bien militaire que scientifique. Il passera son
permis de conduire en 1913. Parcourir la France en voiture sera son nouveau
plaisir. A Polytechnique, il se classe dixième et choisit et obtient le génie
maritime où il va débuter sa carrière.
Le 1er octobre 1912, ingénieur de 3ème classe, il entre à
l’école d’application du génie maritime dont il sort major. Ingénieur de 2ème
classe le 1er octobre 1913, il perfectionne sa formation à Toulon.
1914,
l’Europe est dans un tel état de tension que le moindre incident peut se
transformer en conflit. Après l’attentat de François Ferdinand d’Autriche, le
28 juin à Sarajevo, la guerre devient imminente.
Robert Halbronn, conscient de la situation, attend la mobilisation générale et fait part à sa
sœur de ses réflexions dans une lettre datée du 31 juillet 1914 : « Ce qu’il
y a de triste, vois-tu c’est que nous allons apprendre d’une minute à l’autre
qu’il y a de bons camarades à nous, des jeunes gens gais et pleins de vie qui
seront fauchés brutalement. Enfin que veux-tu on ne meurt qu’une fois et c’est
une belle mort, je t’assure que même, sentant qu’on rend service à son pays, on
se mord les mains d’être ici loin des opérations quand on pourrait agir ».
Il est directement mis au service de l’arsenal et ne sait
d’ailleurs pas trop à quoi il va être utile, mais cela lui permet de hâter son
apprentissage. En septembre 1914, Robert Halbronn, parmis des ingénieurs en surnombre,
n’ayant rien à faire à Toulon et voulant servir son pays en guerre demande son
détachement.
C’est comme lieutenant qu’il rejoint le front de
l’est au 53ème régiment d’artillerie, arme qu’il a connue lors de son service
militaire.
Il est affecté aux opérations de réglage des tirs à terre, à
l’organisation et à l’utilisation des réseaux téléphoniques ingénieusement
complétés, grâce lui, par l’installation d’une télégraphie sans fil de fortune.
Robert Halbronn estime sans doute que les observations
terrestres ne sont pas assez efficaces, il demande le 2 septembre 1915 à être observateur
aérien à l’escadrille MF19 du 53ème régiment d’artillerie équipé d’avions Maurice
Farman.
En 1914, l’aviation n’est pas encore considérée comme une arme par le
commandement mais comme un sport, un instrument de meetings et d’exhibitions.
Elle sera utilisée comme auxiliaire de l’armée de terre.
L’observateur aérien est chargé de la reconnaissance des
positions ennemies, de la protection des appareils en mission, du réglage des
tirs d’artillerie et plus tard de la photographie aérienne.
Pour sa défense,
l’observateur est armé d’un revolver et d’une carabine, par la suite d’une
mitrailleuse.
Il connaît alors une vie en escadrille, en perpétuel
mouvement : réglages de tir, reconnaissances, essais de TSF.
C’est au retour
d’une mission sur Amy, le 19 septembre 1915, qu’il est blessé à
1800 m d’altitude. Il est cité à l’ordre de l’armée le 26 septembre.
Il
continue à faire preuve de courage et d’audace en reprenant ses vols dans des
conditions météorologiques peu favorables, un mois
seulement après sa blessure. Il quitte la MF19 le 10 juin 1916 après 103 heures 50 de vol
comme observateur.
Son chef d’escadrille souligne ses qualités : « Officier
d’une intelligence particulièrement en éveil et d’une rare faculté
d’assimilation, s’est distingué dés son arrivée à l’escadrille MF19 par de
brillantes qualités d’audace, de coup d’œil et de sang-froid ».
Comme beaucoup
d’observateurs, Robert Halbronn désire piloter à son tour et il part à Étampes
le 15 juin 1916 pour y passer son brevet d’aviateur militaire qu’il obtient sur
Farman le 5 août 1916 sous le numéro 4148.

Robert Halbronn est rappelé par la Marine qui a besoin de
ses ingénieurs pour constituer une aviation maritime. Affecté au Service
Technique et Industriel de l’Aéronautique Maritime (S.T.I.A.M.), il part le 20
août 1916 au centre d’aviation de Saint-Raphaël pour passer son brevet de
pilote d’hydravion. Nommé ingénieur de 1ère classe des constructions navales,
il s’occupe des études et projets relatifs aux avions et hydravions, de leur
installation sur les cuirassés, de leur armement et de leurs essais en vol.
Il
donne aussi des conférences à l’école du génie maritime particulièrement
appréciées et communique sa passion pour l’aviation.
Ses nouvelles fonctions l’obligent à de fréquents déplacements et contacts
notamment avec les Marines alliées, s’intéressant à leurs expériences
aéronautiques.
C’est à cette époque qu’il conçoit avec son ami Tord, un prototype d’hydravion torpilleur triplan qui sera fabriqué par les
établissements Labourdette.
Deux modèles seront réalisés : le H.T.1 (Halbronn-Tord) propulsé par deux
moteurs Hispano-Suiza de 200 chevaux et le H.T.2 dotés de deux moteurs Lorraine
de 350 chevaux. Ce dernier sera utilisé à Saint-Raphaël Le « Bicoque »
Halbronn-Tord jusqu’au début des 6 années 1920 pour des essais de largage de
torpilles.
Il se heurte d’abord à une certaine indifférence des
autorités.
C’est une période de découragement qu’il confie à sa sœur : «
J’ai
un métier idiot et sans espoir… un métier de gratte papier. Aucune action sur
les constructeurs qui n’en font qu’à leur tête. Vissé à mon bureau et aucune
liaison avec les services exécutants, les escadrilles. Je t’assure que je
donnerais gros pour refiler au front. Excuse-moi, ma chère Marthe de reverser
mon découragement sur le tien. Mais il y a des moments où ça crève et où ma
vaillance un peu artificielle cède de toutes parts, où je me retrouve le pauvre
gosse qui se sent un besoin d’appui et d’affection qui lui manque ».
En janvier 1918 débutent les essais. L’expérimentation du
prototype progresse.
Il peut annoncer à son père sa satisfaction avec les
derniers vols réussis à Saint-Raphaël et une commande de dix appareils. Robert
Halbronn envisage alors de passer son brevet de pilote de chasse, certains
essais d’embarquement à bord de cuirassés de ce type d’appareils étant
effectués dans d’autre pays. Il part à Pau où il s’initie à l’acrobatie et à la
voltige.
Comme l’indique le lieutenant Deullin : « le pilote de
chasse doit être manœuvrier. Il ne s’exerce jamais trop à la voltige aérienne,
virage serré, vrille, renversement, looping, chandelles, … sont le
commencement de son apprentissage ». Robert Halbronn obtient son brevet de
pilote de chasse en août 1918 après celui de pilote aviateur de la fédération
aéronautique internationale, obtenu en mai.
C’est au retour de Pau que le destin le frappe. Le 3
septembre 1918, Robert Halbronn décolle de Villacoublay à bord d’un avion de
chasse pour un vol d’entraînement, son avion s’écrase après avoir perdu une
aile, à Toussus le Noble, près de la ferme du Trou Salé.
Les obsèques ont lieu au cimetière Montmartre le 8 septembre 1918.
Décoré de la
croix de guerre 14-18 avec deux citations, mort pour la France en service
commandé, il recevra une troisième citation à titre posthume ainsi que la Légion d’honneur par décision du 17 juin 1919.
 |
Sous-marin Halbornn |
La confraternité franco-américaine qui unit les deux marines lui fera décerner
à titre posthume la Navy Cross le 14 septembre 1918. Promis à une belle
carrière, Robert Halbronn disparut à l’âge de vingt sept ans.
Il avait été un
ingénieur militaire exceptionnel, cherchant à améliorer l’aviation maritime,
inventeur d’un hydravion, projet abandonné après sa mort, mais aussi un homme
tourné vers l’action, rompu à toutes les pratiques du sport, ardent observateur
et pilote, volontaire pour les missions risquées. C’était enfin un homme simple
et gai, apprécié de ses amis.
L’État français lui rendit un dernier hommage en donnant son
nom à un sous-marin allemand, le U139, prise de guerre, qui servit à la France
comme sous-marin croiseur pour divers essais de 1921 à 1935.
Sur base d’un article de Patrick BESSAS, Président co-fondateur
du GHTN