"J’ai fait un focus sur la carrière militaire de mon père Maurice Tromeur.
Il est né le 15 juillet 1915 à St Marc maintenant intégré à
Brest. Il a fait l’Ecole Breguet puis l’Ecole Militaire de l’Air en 1937 à
Versailles.
Il a appris à piloter sur Potez 25 et obtenu son brevet de pilote. A sa sortie,
il a été affecté en 1939 à Damas sur Potez 63-11 de reconnaissance. Durant ce parcours, il a croisé Saint
Exupéry.
Après l’Armistice, il a refusé de servir sous les couleurs
de Vichy. Il est entré en résistance en Bretagne.
Dénoncé, il a été fait prisonnier. Il réussit
à s’évader du convoi qui l’emmenait en Allemagne pour y être déporté."
C’est Maurice Tromeur lui-même qui raconte la période de son arrestation et de son évasion.
Maurice Tromeur |
J’ai pu le joindre fin juin ou début juillet 43. Ce brave garçon était déjà dans les rangs du BOA (Bureau des Opérations Aériennes), branche Action. J’ai été admis comme participant occasionnel (PO), chargé de la recherche de surfaces pouvant convenir pour des parachutages ou des atterrissages d’avions légers (Lysander). En octobre 1943, j’ai été contacté par M. Le Maigre pour m’engager dans le mouvement Libération-Nord. Du fait de l’arrestation de Pierrot Feunteun, j’étais "coupé " du BOA et donc disponible.
Peu après, après l’arrivée de P. Guezennec, capitaine des
Troupes Coloniales (action), le groupement des résistants de Carhaix a été
désigné "compagnie de la Tour d’Auvergne ". Vu l'afflux de
volontaires, la compagnie a été transformée en Bataillon avec 3 puis 6
compagnies et un corps franc (Maquis Tonton Le Braz).
J’ai été arrêté le 15 mai 1944 à la suite du parachutage du 11 mai (Terrain du
pont de Pénity. J’ai été détenu quelques jours à Carhaix (Château-Rouge), puis
transféré à la prison St Charles de Quimper,
puis sur Rennes où un convoi de déportés est constitué pour l'Allemagne
vers les camps de la mort. Je me suis évadé lors d’un bombardement de la gare à
St-Pierre-des-Corps le 7 août 1944.
Mon arrestation
J’ai été arrêté chez ma belle mère, 1 rue Constant Lancien à Carhaix par un feldwebel et 2 soldats de la Feldgendarmerie et enfermé dans une des caves du château où était installé un détachement de Sicheren Dist (SD), policiers allemands chargés de la sécurité des troupes d’occupation, assimilé à la Gestapo.
J’ai été une première fois interrogé à la prison St-Charles par deux militaires de la SD, le 8 juin, qui m’ont d’abord fait l ire une déposition en allemand et signée par le capitaine Guezennec, écrite le 13 mai. Sous ma réponse négative, pourtant sincère car je ne connaissais pas l’allemand ni la signature de Guézennec, j’ai été attaché pieds et poings liés avec un manche à balai passé entre coudes et genoux. L'interrogatoire portait sur des cours d’instruction sur des mitraillettes STEN et des explosifs (Plastic) que j’avais réellement dirigé. Chaque réponse négative était suivie de coups de matraque ou de câble électrique de forte section pour varier le plaisir. La séance avait duré environ deux heures et l’on m’en promettait une autre le lendemain. En rentrant de la salle d’interrogatoire, j’ai pu me rendre compte que l’on était entassé à une dizaine dans une cellule prévue pour deux. J’ai été malade toute la nuit (résorption des ecchymoses avec forte fièvre).
Transfert sur Rennes
et tentative d'évasion
Au matin, nous avons été amenés dans un train stationnant en pleine voie à St Yvi au sud-ouest de Quimper. Les wagons de ce train avaient été aménagés avant que nous ne les occupions pour éviter les évasions de part et d’autre de la porte centrale à glissière, deux cloisons en bois avaient été dressées avec comme accès, juste une "chatière " d’environ 50 cm sur 50 cm. Pendant le voyage vers Rennes, des jeunes de la région de Quimeneven s’étaient évadés vers St-Mars-du-Désert en soulevant et cassant des planches du toit de leur wagon, faisant ainsi pas mal de bruit. Mais leurs gardiens, en plein sommeil éthylique n’avaient rien entendu.
Pendant ce temps, dans notre wagon et grâce à une scie à
métaux dissimulée dans la chaussure de P. Feunteun (comme on se retrouve !),
nous nous sommes relayés à trois ou quatre pour aménager un trou de 30 sur 20 à
peu près, lorsque le train s’arrête brutalement en gare de Redon à côté d’un
train de chars. Le bruit, s’il n’avait pas réveillé les gardiens ivres, avait
mis en alerte ceux des autres wagons et surtout le " Shapsfeldwebel "
(super adjudant chef). Dès l’arrêt, on nous fait évacuer, sans ménagement de
nos wagons pour une inspection détaillée. Bien entendu, le travail de la scie à
métaux est vite découvert et tous les occupants du compartiment sont placés
devant deux soldats armés de mitraillettes le doigt sur la détente. Puis l’un
après l’autre, nous sommes amenés dans une sorte de blockhaus. Au bout d’un
moment, on revient me chercher et, sans plus d’explication, le chef du convoi
et un autre sous-officier me frappent l’un avec une boucle de ceinturon,
l'autre avec une crosse de fusil. Je suis bientôt en sang et l'épaule gauche
très abîmée. Puis on amène P.Feunteun qui me supplie de dire que j’étais au
courant des dégâts faits au wagon pour qu’il ne soit pas fusillé séance
tenante.
Les Allemands voulaient connaître les complices et si ces dégâts avaient été
faits après l’arrêt du train en gare de Questembert, où nous avions dû
promettre de ne pas essayer de nous évader. Comme j’avais été changé de wagon à
cet arrêt, je pouvais attester que la tentative avait eu lieu avant ce qui
rassurait le chef de convoi et il ne pouvait nous accuser de "parjures
". Puis nous avons été ligotés attachés l’un contre l’autre, face à face
et placés dans un compartiment vidé au préalable de ses occupants. Les liens
étaient si serrés que le sang ne circulait pas dans nos pieds et nos mains. En
coordonnant nos mouvements, nous avons pu desserrer ces liens et rétablir la
circulation. Lorsque le train s’est arrêté en gare de Rennes, on nous a enlevé
nos liens et mis des menottes. En arrivant au camp Marguerite, le chef de
convoi nous a présentés au chef de camp en expliquant que nous étions des
menteurs et des saboteurs (Feunteun comprenant assez bien l’allemand).
Heureusement, ce chef de camp était un Autrichien catholique et a donc donné
l’ordre de nous libérer et de nous faire rejoindre nos compagnons de misère
dans la baraque.
Le départ de Rennes
Nous avons quitté Rennes le 3 août 1944 je crois. Au Lion-d’Angers notre convoi a été rejoint par celui formé de ceux qui étaient restés après nous au camp Marguerite, ce qui allongeait le train.
Lors du mitraillage du convoi à l’avant par les Américains, certains wagons se trouvaient en dehors de la gare et beaucoup de prisonniers se sont évadés. Notre wagon se trouvait malheureusement à l’intérieur où la surveillance était plus dense et plus proche. Le train est hors d’état, on nous fait cheminer à pied jusqu’à St-Pierre-des-Corps où un autre train nous était destiné.
Mon évasion à
St-Pierre-des-Corps
A peine avions nous intégré notre nouveau domicile que la gare est prise sous un bombardement violent. Aussitôt, nos gardiens nous bouclent dans les wagons et vont se mettre dans les abris situés du même côté de la voie. Dès l’arrivée dans les lieux, j’avais jeté un coup d’œil sur les fermetures et j’avais constaté qu’une lucarne n’était fermée que par un bout de fil de fer barbelé. Dès le commencement du bombardement, j’ai enlevé le barbelé et me suis "jeté " par la lucarne. Je me trouvais dans un fouillis de wagons en rames plus ou moins longue. Je me suis éloigné de mon point de départ en me faufilant sous les wagons et en débouchant enfin sur une belle prairie. Me sentant à découvert, j’ai pris mes jambes à mon cou et, malgré mon handicap et mes fatigues, j’ai traversé la prairie très rapidement. M’éloignant le plus possible de la gare par crainte des recherches allemandes, je suis arrivé sur le Cher dont les ponts étaient gardés. J’ai traversé cette rivière on me soutenant à une planche. J’ai passé la fin de la journée dans un petit bois et au petit matin j’ai traversé Tours pour arriver à Mettray où les gendarmes m’ont procuré des vêtements convenables et m’ont amené à une ferme moulin où j’ai pu manger à ma faim tout en travaillant pour la rentrée du blé.
Mon retour au pays
Les lignes américaines ayant avancé jusqu’à 6 km de mon refuge, je suis parti à pied, traversé un champ de mines et me suis présenté à un lieutenant Canadien qui ne s’est pas intéressé à mon cas, même pas pour me permettre de prendre place dans un véhicule allant en direction du Mans. Poursuivant ma route, je suis arrivé à Neuilly-Pont-Pierre où il y avait un groupe de FFI commandé par un commandant de l'Armée de l’Air en retraite. J’ai séjourné un jour ou deux avec eux, leur prodiguant des conseils sur l’utilisation des armes avec dépannage d’un fusil-mitrailleur 24/29. Ces compagnons d’un jour m’ont fait transporté par un camion de choux-fleurs jusqu’au Lude. Puis par des moyens divers, une charrette à cheval, du "stop " sur la N23 sillonnée de nombreux convois. Après avoir été hébergé à Vitré, dans une famille très sympathique, j’ai été pris en charge par un officier FTPF de Callac où j’ai passé la nuit. Le lendemain, CaIlac-Rostronen (24 km) à pied où j’ai trouvé facilement un véhicule rentrant sur Carhaix."
Son parcours à la fin
de la guerre.
Carnet de vols du Normandie-Niemen à Toussus le Noble dont M Tromeur avait fait partie |
A la Libération, il a eu plusieurs affectations comme commandant de bases dont Toussus le Noble et Lann Bihoué dont il fut le dernier commandant Armée de l’Air puisque les deux bases sont devenues Aéronavale après lui.
Entre 1945 et 1948, sur ses carnets de vol, il apparaît
qu’il a volé avec des pilotes du Normandie Niemen à Toussus le Noble avec Taburet, Mahé, Risso, Dechanet.
Des carnets de vol à Toussus, que le Mémorial Normandie
Niemen nous fait parvenir.
Maurice Tromeur fut le dernier commandant Armée de l’air, du centre d’aviation militaire de Toussus le Noble jusqu’en 1946. Un centre d’aviation militaire qui existait depuis 1910, à proximité de celui de Farman et de REP.
Tous ses premiers carnets de vol ont été saisis par les autorités de Vichy.
Après plusieurs
postes au Ministère de l’Air, il a été nommé commandant de la base de Zénata
Tlemcen (Algérie) pendant presque 3 ans,
où il volait sur T6, P47, Sipa 12.
A son retour, il occupe plusieurs postes. En 1967, il prend sa retraite de
l’Armée de l’Air avec le grade de colonel.
Il décède en 1985 à Lorient.