vendredi 7 février 2020

Toussus le Noble, port d'attache du dirigeable "FUJI"

Le "FUJI" vient d'atterrir:
 l'équipe au sol saisit les élingues pour le diriger
 vers son mât d'amarrage (photo J.P.). 
Dans la chronologie des articles du Cdt Jacques Pageix à Toussus le Noble :

Durant la période 1980 - 1990, tous les ans, un dirigeable Allemand venait à Toussus-le-Noble pour s'y installer pendant la période estivale, au moment où se déroulait le tournoi de Roland Garros.    

    
Il effectuait tous les jours un périple publicitaire pour "FUJI" autour de Paris, en s'attardant naturellement au dessus de la porte d'Auteuil...
La publicité "FUJI FILM" était visiblement inscrite en gros caractères sur son enveloppe.

Les autorisations données conjointement par la DGAC et le ministère de l'intérieur lui permettaient de voler autour de Paris jusqu'au périphérique extérieur.
Nous rencontrions au préalable le dirigeant de l'entreprise WDL qui le fabriquait, Monsieur Wüllenkemper (*), pour lui rappeler les consignes de vol et fixer les modalités d'installation.
(*) : Monsieur Theodor Wüllenkemper, né à Essen, 1925, décédé à Mülheim, 2012.

les dirigeables de ce type étaient construits à Mulheim an der Ruhr en Rhénanie du Nord-Westphalie, sur l'aéroport (Flughafen). 
Leurs caractéristiques étaient les suivantes:



La veille de la venue du dirigeable, l'équipage se présentait et était hébergé dans les locaux de l'ancien SSIS (*) où il trouvait des chambres et des douches convenables.

(*): rappelons que le Service de Sécurité Incendie et Sauvetage (SSIS) fut installé à Toussus-le-Noble par Aéroports de Paris dans un bâtiment qui existe toujours. Malheureusement, ADP retira ses pompiers en 1980, laissant un extincteur sur roues (50 kg) et une Land Rover équipée de 250kg que l'on nous remis entre nos mains  faisant de nous des pompiers occasionnels... 
Du coup, le beau bâtiment construit pour abriter le SSIS ne fut plus utilisé que pour des opérations diverses (rassemblements festifs, hébergement d'agents nouvellement affectés et en recherche de logement, etc...

Les équipes de WDL avaient tôt fait d'implanter le mât d'amarrage sur l'herbe de la bande d'atterrissage train rentré (BATR), parallèle aux deux pistes revêtues. Une fois amarré, le dirigeable pouvait tourner autour du mât afin de rester toujours dans le lit du vent. L'équipage connaissait bien les consignes d'approche  et d'atterrissage, et le dirigeable se présentait prudemment au point d'entrée  "Sierra", à une hauteur qui le séparait des avions en tour de piste. Même si son volume imposant permettait aux contrôleurs aériens de ne pas le perdre de vue, ceux-ci devaient tenir le plus grand compte de sa lenteur et son inertie. Tout ceci avait été bien cadré dès avant mon arrivé, sous la férule de mon adjoint, expert en matière de circulation aérienne et de contrôle aérien (*).

(*): Patrice Bralet, un précieux collaborateur, ancien contrôleur de l'aéro-navale, d'abord chef de la Circulation aérienne, puis adjoint et enfin commandant après mon départ en janvier 1997.

Une fois installé, le dirigeable entreprenait ses périples publicitaires autour de Paris. J'eus l'occasion d'embarquer pour l'un de ces vols qui pouvaient durer une demi-journée ; il fallait donc se munir d'un bon sandwich...

Lors de l'atterrissage, c'était la cavalcade des équipes au sol, chacun s'emparant d'une élingue pour freiner la course du "FUJI" afin de le guider jusqu'au mât où il venait enfin s'amarrer.
Je ne fis qu'un vol avec mon fils Pierre, car, au-dessus du château de Versailles, il s'impatientait et voulait "descendre en marche"!...
Je n'ai malheureusement pas conservé beaucoup de photos des séjours de ce dirigeable.

Il y eut d'autre à Toussus.

Nous reçûmes au cours des années 80 la visite du dirigeable "GOUDA", venu de Hollande pour faire la publicité de ce populaire fromage. Sous une tente appuyée sur le dirigeable, se trouvaient empilées d'impressionnantes meules de ce fromage, que de souriantes hôtesses en costume traditionnel nous faisaient déguster... 

À Clermont-Aulnat, lors d'un précédent poste, j'avais eu l'occasion de faire connaissance avec un autre dirigeable, qui faisait de la pub pour les pneus Good Year.

Mais revenons à Toussus...Il me revient en mémoire un périple en dirigeable avec le préfet de la Région Île de France Lucien Vochel (préfet de 1981 à 1984). 

Lors d'une mise en place du dirigeable, il m'appela et me dit sur un ton très sec: 
-"comment se fait-il, monsieur, que vous ayiez un dirigeable et que je n'en ai pas été avisé?"
Interloqué, je bredouillai une explication, et, sur un ton péremptoire, il me fixa un rendez-vous pour le dimanche suivant, en m'ordonnant d'arranger un vol avec l'opérateur WDL:
-"Je viendrai avec mon directeur de cabinet!  Nous souhaitons survoler l'ouest parisien pour reconnaître une zone d'aménagement future"...

J'arrangeais donc un vol avec WDL, tout en maugréant: "encore un dimanche consacré à l'aviation" (il y en eu et il y en aura bien d'autres...)
Le dimanche venu, en fin de matinée, j'attendais ces hauts fonctionnaires au pied de la tour de contrôle... À leur arrivée, je les accompagnais jusqu'au dirigeable où nous embarquâmes. 
Ils avaient pris quant à eux la précaution de se munir de sandwichs. 
Quant à moi, j'avais oublié le mien et je me dis que le périple devant durer plusieurs heure comme à l'accoutumé, je devrais donc me passer de déjeuner et (une fois de plus) rentrer chez moi le ventre creux...

En effet, dès le décollage, ils donnèrent leurs instructions à l'équipage et l'on s'éloigna vers l'ouest. Je n'ai pas gardé un souvenir précis de l'itinéraire suivi, mais je me rappelle bien la morgue qu'ils manifestèrent à mon égard, en s'abstenant de me faire part de leurs commentaires. 
Toutefois, j'entendais les remarques qu'ils échangeaient sur les agglomérations survolées, et je compris très vite qu'elles tournaient autour de préoccupations toutes personnelles,  se focalisant sur la recherche d'une maison avec des courts de tennis à proximité...
Revenu quelques heures après sur le plancher des vaches, ils partirent sans même me remercier...
Je congratulai pour ma part nos amis pilotes qui avaient accompli ce vol supplémentaire sans en avoir saisi le motif...

Malheureusement pour le "FUJI" (et pour nous) les séjours du dirigeable à Toussus prirent fin pour des raisons que je qualifiais à l'époque d'éminemment sordides...
Lors d'un de ses nombreux survol au dessus de Roland Garros, notre premier ministre de l'époque (André Maurois), qui se trouvait dans les tribunes officielles, leva la tête vers le "FUJI" et, paraît-il, fronça ses épais sourcils. 
Je suis bien persuadé pour ma part qu'il ne manifesta rien d'autre qu'un signe d'étonnement.
En revanche, ses "sbires", peut-être pour lui complaire, s'offusquèrent de ce survol et intervinrent aussitôt auprès des autorités concernées "afin que cesse ce désordre".

Le "FUJI", pourtant muni de toutes les autorisations nécessaires (on connaît la rigueur allemande) partit donc pour l'Allemagne et nous ne le revîmes plus à Toussus.