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Le ministre de l'Air Denain et Louis Massotte |
Le 15 juin 1937, le ciel perdait
l'un de ses plus audacieux conquérants : Louis Massotte.
Plus qu'un simple
pilote d'essai, cet homme était une véritable incarnation de la vitesse, un
briseur de records dont l'existence, aussi fulgurante que ses Spad lancés à
pleine puissance, a marqué l'histoire de l'aviation.
Des mots résonnent tant ils capturaient
l'essence d'un homme débordant de force, d'activité, d'énergie, d'audace et
d'une joie de vivre.
L’hommage posthume nous plonge dans une France à l'aube d'un conflit
mondial, où les aviateurs étaient les chevaliers des temps modernes : « Et Massotte, chevalier de la Légion
d’honneur, ayant près de 4 000 heure de vol, est tombé l’autre soir, victime de
son devoir, trahi par la défaillance imprévue d’un organe délicat d’un
prototype destiné à nos forces aériennes. Comme tant de ses camarades de
l’héroïque phalange des essayeurs, des “cobayes”, des éclaireurs de l’air, qui
attirent vers eux la mort pour l’épargner aux autres, Massotte s’est sacrifié
après que toute sa vie eût été “sans peur et sans reproche”».
Né le 19 février
1906 à Torcenay, dans le cocon d'une famille d'agriculteurs, Louis était le
benjamin d'une fratrie de six garçons.
Son enfance fut marquée par la tragédie
: la perte de son père en 1912, de son frère Victor tombé au front en 1918, et
de sa mère en 1923.
Pourtant, au milieu de ces épreuves, un rêve germait dans
le cœur du jeune Louis : celui de s'envoler.
Élève
brillant et assidu, il obtient son certificat d'études primaires en 1918. Si la
ferme familiale l'occupe, son esprit est déjà tourné vers les cieux. Le curé de
la paroisse, l'abbé Villemot, décèle cette passion et lui offre des cours
particuliers pour préparer son entrée dans une école d'aviation.
À 18 ans, en
1924, son rêve prend son envol : il est admis, comme boursier, à l'école de
pilotage de Chalon-sur-Saône, où il excelle, sortant major de sa promotion en
1925.
Son
engagement dans l'aviation militaire le mène à Dijon, au sein du 32e régiment
d'aviation. Il y affine ses compétences, s'illustrant dans les vols de nuit et
l'acrobatie, remportant même le concours de tir aérien de Cazaux.
L'année
suivante, il frôle la mort lors d'un crash, une expérience qu'il relate avec
lucidité dans une lettre à son frère Léon, témoignant d'une chance insolente et
d'une foi inébranlable en son destin aérien.
Son mariage
avec Jeanne Jourdeuil en 1927 à Montlandon marque une étape personnelle, mais
sa carrière prend un nouveau tournant en 1928 avec sa mutation à Villacoublay
en tant que pilote d'essai au prestigieux "Groupe des avions
nouveaux".
Il y teste les fleurons de l'aviation militaire française
jusqu'en 1931, gravissant les échelons jusqu'au grade de lieutenant de réserve.
La
reconnaissance de son talent est fulgurante. Fin mai 1931, Louis Blériot en
personne le choisit parmi de nombreux candidats pour devenir son chef-pilote
d'essai en vitesse et acrobatie. Dès lors, Massotte devient une figure
incontournable des meetings aériens, éblouissant les foules avec son Spad 92.
Le 2 juin
1932, il entre dans la légende en battant le record du monde de vitesse sur 500
km, atteignant 308,77 km/h aux commandes d'un unique Spad 91-7. Si l'Allemand
Hunluncht lui ravira brièvement le titre, Massotte le reconquiert avec une
vitesse stupéfiante de 359,8 km/h.
Moins de
deux ans plus tard, le 7 janvier 1934 à Istres, il signe un doublé historique
en établissant deux nouveaux records du monde de vitesse sur avion léger avec
son Caudron Régnier C.366 "Atalante".
Le ministre de l'Air en
personne, Pierre Cot, le félicite pour ses performances exceptionnelles : 1 000
km à 358,185 km/h de moyenne et 100 km à 360 km/h.
Sur ce même appareil, il se
hisse à la deuxième place de la prestigieuse Coupe Deutsch de la Meurthe en mai
1934.
Son talent
et sa popularité le placent au centre des événements aéronautiques majeurs. Il
participe en vedette au meeting organisé par Louis Blériot en 1934 pour le 25e
anniversaire de sa traversée de la Manche.
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Patrouille Blériot - Le carré d'As Massotte, Doret, Cevalli et Paulhan |
Les records
continuent de tomber : un nouveau record de France sur 100 km pour avions
légers en novembre 1936 à Buc.
Moins de six mois plus tard, il participa au match aérien
connu sous le nom de “carré d’as” lors de la Coupe Georges Dreyfus de Vincennes
du 25 avril 1937. La presse avait surnommé Louis “l’as de cœur”, René Paulhan,
“l’as de trèfle”, Marcel Doret,” l’as de pique” et Jérôme Cavalli, “l’as de
carreau”. Malheureusement, René Paulhan trouva la mort deux semaines plus tard
en essayant un prototype à Vélizy-Villacoublay.
Même au
sommet de sa gloire, Massotte n'oublie pas ses racines et participe avec
enthousiasme à la grande fête aérienne de l'aéro-club langrois à Rolampont en
mai 1937, où il signe le ciel de son propre nom en fumée argentée.
Deux
semaines plus tard, le même jour, il enchante les foules de Romilly et
Saint-Dizier avec ses vols spectaculaires.
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Plaque Coeur de Louis Massotte Photo Christine Dubosclard - 2025 |
La disparition tragique de deux de deux membres de la patrouille des 4 as de
chez Blériot en à peine un mois souligne la dangerosité du métier de pionnier
de l'aviation, même pour les plus expérimentés.
L'hommage rendu à Louis Massotte
témoigne de l'impact profond qu'il a eu sur son époque. Les employés de Blériot
forment un cœur poignant sur le lieu de son accident.
Il est cité à l'Ordre de
la Nation dès le lendemain de sa disparition. Une plaque commémorative est
apposée sur sa maison natale en 1938, et ses cendres reposent dans le mur.
Aujourd'hui encore, des rues portant son nom perpétuent la mémoire de cet homme
qui a conquis les cieux avec audace et passion, tombant en héros, victime de
son engagement pour le progrès de l'aviation française.
Lieu où se trouve la stèle sur la D938 Buc/Toussus. Merci à Christine et Laurent Dubosclard pour le repérage.