Revue Aéronautique de France 1930 source Gallica / bnf |
Eh bien! Une fois n'est pas coutume, les optimistes ont eu
raison et le ciel s'est mis de notre côté. C'est avec un soupir de soulagement
qu'en, soulevant nos rideaux, au saut du lit, nous avons constaté que la
journée serait belle.
Elle le fut, à tous les points de vue. Température
délicieuse sous un ciel modérément ensoleillé, foule enthousiaste et disciplinée, organisation
parfaite grâce à quoi les inévitables grincheux omirent de se manifester. A la
Concorde, les départs s'opèrent avec ordre et, à 11 heures précises, le dernier
autocar - l'Officiel - s'éloignait, après que le commissaire qui s'était chargé
d'assurer les départs - notre sympathique et dévoué Berthe - se fût assuré que
nul retardataire ne restait sur le trottoir.
A Toussus, où un millier de personnes s'étaient rendues, qui
par les autocars et autobus préparés à l'avance, qui par leurs propres moyens, les
restaurants sont vite envahis, tandis qu'une foule immense de pique-niqueurs
s'installe sur les gazons heureusement secs et à l'ombre d'arbres fruitiers
dont il me serait téméraire de certifier l'espèce ou les espèces - sûrement pas
des orangers ni des citronniers.
Fête de Toussus - 1930 |
A I'Hôtel Aviatic, table officielle. Autour du président de la Ligue, colonel Renard qu'encadrent le colonel Frugier, représentant du ministre de la Guerre, et le lieutenant de vaisseau Pizard, représentant du ministère de la Marine et eu face de qui s'est assis notre aimable vice-président, M. Dubois-Le Cour, encadré de MM. Georges Billoud, représentant du ministre de l' Air et de M. Louis Couhé et Tronchon, maire de Toussus, se sont assis, pèle-mêle, des Membres du Conseil d'administration de la Ligue dont un, notre distingué confrère de Lafreté, représente en même temps l'Echo de Paris, des journalistes, Frach des Ailes, Marchaud d'Excelsior, d'autres encore, des pilotes, dont Lalouette, devenu depuis un faiseur de rois, Burtin, Moreau, Thuau, Salel - que me pardonnent ceux que j'oublie - et enfin des amis de la Ligue, comme le charmant Malfanti, G. Comoz, intarissable pince-sans-rire, et enfin Oazier, le sympathique directeur de l' Air-Service et qui ne se doutait guère à ce moment-là que, dans la soirée, ses avions allaient battre le record des baptêmes de l'air.
Au champagne, toast
plein d'à-propos du colonel Renard à qui répond, en une improvisation
pleine d'humour et d'amabilité, le maire de Toussus qui est " un père pour
nous », me confie à demi-voix mon voisin, un pilote de chez Farman. Vers 2
heures, tandis qu'on sirote lentement le café, aussi bien à l' Aviatic que dans
les autres restaurants, la fanfare de Châteaufort, que dirige M. Robert, arrive
à Toussus et rappelle soudain aux dîneurs qu'ils ne sont pas venus dans ce coin
verdoyant de la grande banlieue parisienne uniquement pour se congratuler, bien
manger et digérer placidement,
Comme par enchantement, les restaurants se vident, les
pique-niqueurs délestés de leurs provisions accourent et les Etablissements
Farman sont soudain envahis par 1200 ou 1.500 personnes qui se pressent devant
le pavillon où a lieu le tirage de la tombola, dont les 200 lots, étaient
autant de baptêmes de l'air. Beaucoup d'heureux, beaucoup plus de déceptions
encore, hélas ! Mais on se console vite et chacun, sortant son portefeuille,
veut bénéficier d'un « tour d'espace ». On s'arrache les billets et il faut
toute I énergie de nos commissaires pour protéger contre l'enthousiasme le
comptable de l'Air-Union qui, en moins d'un quart d'heure, épuise le stock de
billets de vol dont il s'était muni. Il n'y en a plus. Il en faut encore! On en
établit sur des feuillets arrachés d'un premier, puis d'un second bloc, et cela
jusqu'au moment où un émissaire accourt en trombe : « N'en délivrez plus! Nous
en avons jusqu'au soir». Et, en effet, jusqu'à six heures et demie, les avions
décollent, atterrissent, repartent, chargeant et déchargeant les néophytes.
Coupet emmène le colonel Renard dans la cage à poules Farman, celle qui,
quelques jours plus tard, sera encore à l'honneur, au meeting de Vincennes ;
pendant ce temps, à mes côtés, un brave type grogne : « Les autres volent, moi
je suis volé », et il m'explique qu'il est arrivé trop tard à la distribution des billets ; il s'éloigne
en murmurant : « Mais, on remettra ça au Bourget, le 5 juillet. » A la bonne
heure, j'aime cette bonne humeur et c'est elle d’ailleurs qui caractérisa cette
fête populaire dont le succès fut incontestable.
Bonne humeur au bal organisé sous un hangar et où de gentils
couples se disputèrent des baptêmes de l'air donnés en prix aux meilleurs
danseurs ; bonne humeur aux courses en
sac, en dépit de quelques chutes qui causèrent plus de rire que de mal ; bonne
humeur partout !
Et c'est ce que nous avons voulu!
Quand les autocars commencèrent à reprendre le chemin de
Paris, vers six heures et demie, près de six Cents assistants avaient été baptisés et Lalouette, qui est Pourtant un rude bonhomme, déclarait: « je suis fourbu
; j'en ai emmené pour mon compte plus de cent quarante! »
"A quatre par voyage, cela représente une honorable quantité
de décollages et d'atterrissages, n'est il pas vrais ?"
Farman F190 |
Bien entendu, au- moment de la séparation, on s'est donné rendez-vous pour l'année prochaine et ce n'est certainement pas la Ligue Aéronautique de France qui manquera le rendez-vous. Seulement, en 1931 gare à l'encombrement.
Félicitons-nous du
succès de cette réunion. Nous nous étions fixés un but, nous l'avons atteint. Nous
avions voulu que le public entrât en
contact direct et intime avec le monde de l'air ; nous avions voulu
qu'il se familiarisât avec ce prodigieux outil qu'est l'avion et qu'il
pût le voir vivre de près. Les
Etablissements Farman, l'Air-Service; le personnel de ces maisons, MM Coupet,
Cazier et Aubert en tête, nous ont permis
de réaliser notre dessein au
delà de nos espérances. Qu'ils en soient
remerciés.
Et remercions aussi le Service de la Propagande de la Ligue
et la dévouée Mme Charton qui en assure
le fonctionnement avec tant d'empressement et d'amabilité ; remercions nos
jeunes auxiliaires si plein de bonne volonté ; et notre sympathique secrétaire
administratif M Boullant, et ces collaborateurs bénévoles que nous retrouvons
en toute occasion, prêts à nous aider et de Ieur bonne parole et de leur
action vigoureuse, car il faut parfois
de la vigueur pour maintenir douze cents
amateurs se disputant un maximum de six cents places.
Hâtons-nous d'ajouter que cette vigueur fut toujours
souriante et que personne ne s'est plaint que sous le gant de velours on ait senti la main de fer. Vais-je nommer
tous, ceux qui nous ont assistés : MM. Gass,
Barberou, Prabonrieau, du Conseil d'administration, Berthe, Lamare-Picquot,
Mury, Bertrand , Petit, Letmagny frères, Deunèvres, Burger, Hezard, Soubrier,
d'autres encore qui ne m'en voudront pas si je ne les cite pas mais ils sont
trop nombreux, et nous aurons certainement d'autres occasions de les inscrire à
notre tableau d 'honneur. Et dire que j'allais, oublier M. Charton qui - est-ce enthousiasme pour l'aviation,
est-ce soumission à l'article- 213 du Code civil? - nous a prêté,
lui· aussi, un concours infatigable et cela toujours avec le sourire.
AVIS
Ceux de nos adhérents qui désireraient posséder des photographies leur rappelant les fêtes de Toussus et de Vincennes, peuvent s'adresser à nos bureaux où ils en trouveront un choix nombreux et varié
Source
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