samedi 2 janvier 2021

NOTRE FÊTE DE TOUSSUS-LE-NOBLE - 1930

Revue Aéronautique de France 1930
source Gallica / bnf
Devant le temps maussade dont nous fûmes gratifiés le mercredi 28, sans aucun doute ceux de nos adhérents qui s'étaient inscrits pour prendre part à l'excursion aéro-champêtre à Toussus-le-Noble ont dû se demander avec quelque anxiété : pluie ou soleil? Les optimistes disaient soleil, les pessimistes; s'appuyant sur la longue série de mauvais jours que nous venions de traverser, opinaient pluie.

Eh bien! Une fois n'est pas coutume, les optimistes ont eu raison et le ciel s'est mis de notre côté. C'est avec un soupir de soulagement qu'en, soulevant nos rideaux, au saut du lit, nous avons constaté que la journée serait belle.

Elle le fut, à tous les points de vue. Température délicieuse sous un ciel modérément ensoleillé, foule  enthousiaste et disciplinée, organisation parfaite grâce à quoi les inévitables grincheux omirent de se manifester. A la Concorde, les départs s'opèrent avec ordre et, à 11 heures précises, le dernier autocar - l'Officiel - s'éloignait, après que le commissaire qui s'était chargé d'assurer les départs - notre sympathique et dévoué Berthe - se fût assuré que nul retardataire ne restait sur le trottoir.

A Toussus, où un millier de personnes s'étaient rendues, qui par les autocars et autobus préparés à l'avance, qui par leurs propres moyens, les restaurants sont vite envahis, tandis qu'une foule immense de pique-niqueurs s'installe sur les gazons heureusement secs et à l'ombre d'arbres fruitiers dont il me serait téméraire de certifier l'espèce ou les espèces - sûrement pas des orangers ni des citronniers.

Fête de Toussus - 1930

A I'Hôtel Aviatic, table officielle. Autour du président de la Ligue, colonel Renard qu'encadrent le colonel Frugier, représentant du ministre de la Guerre, et le lieutenant de vaisseau Pizard, représentant du ministère de la Marine et eu face de qui s'est assis notre aimable vice-président, M. Dubois-Le Cour, encadré de MM. Georges Billoud, représentant du ministre de l' Air et de M. Louis Couhé et Tronchon, maire de Toussus, se sont assis, pèle-mêle, des Membres du Conseil d'administration de la Ligue dont un, notre distingué confrère de Lafreté, représente en même temps l'Echo de Paris, des journalistes, Frach des Ailes, Marchaud d'Excelsior, d'autres encore, des pilotes, dont Lalouette, devenu depuis un faiseur de rois, Burtin, Moreau, Thuau, Salel -  que me pardonnent ceux que j'oublie - et enfin des amis de la Ligue, comme le charmant Malfanti, G. Comoz, intarissable pince-sans-rire, et enfin Oazier, le sympathique directeur de l' Air-Service et qui ne se doutait guère à ce moment-là que, dans la soirée, ses avions allaient battre le record des baptêmes de l'air.

Au champagne, toast  plein d'à-propos du colonel Renard à qui répond, en une improvisation pleine d'humour et d'amabilité, le maire de Toussus qui est " un père pour nous », me confie à demi-voix mon voisin, un pilote de chez Farman. Vers 2 heures, tandis qu'on sirote lentement le café, aussi bien à l' Aviatic que dans les autres restaurants, la fanfare de Châteaufort, que dirige M. Robert, arrive à Toussus et rappelle soudain aux dîneurs qu'ils ne sont pas venus dans ce coin verdoyant de la grande banlieue parisienne uniquement pour se congratuler, bien manger et digérer placidement,

Comme par enchantement, les restaurants se vident, les pique-niqueurs délestés de leurs provisions accourent et les Etablissements Farman sont soudain envahis par 1200 ou 1.500 personnes qui se pressent devant le pavillon où a lieu le tirage de la tombola, dont les 200 lots, étaient autant de baptêmes de l'air. Beaucoup d'heureux, beaucoup plus de déceptions encore, hélas ! Mais on se console vite et chacun, sortant son portefeuille, veut bénéficier d'un « tour d'espace ». On s'arrache les billets et il faut toute I énergie de nos commissaires pour protéger contre l'enthousiasme le comptable de l'Air-Union qui, en moins d'un quart d'heure, épuise le stock de billets de vol dont il s'était muni. Il n'y en a plus. Il en faut encore! On en établit sur des feuillets arrachés d'un premier, puis d'un second bloc, et cela jusqu'au moment où un émissaire accourt en trombe : « N'en délivrez plus! Nous en avons jusqu'au soir». Et, en effet, jusqu'à six heures et demie, les avions décollent, atterrissent, repartent, chargeant et déchargeant les néophytes. Coupet emmène le colonel Renard dans la cage à poules Farman, celle qui, quelques jours plus tard, sera encore à l'honneur, au meeting de Vincennes ; pendant ce temps, à mes côtés, un brave type grogne : « Les autres volent, moi je suis volé », et il m'explique qu'il est arrivé trop tard  à la distribution des billets ; il s'éloigne en murmurant : « Mais, on remettra ça au Bourget, le 5 juillet. » A la bonne heure, j'aime cette bonne humeur et c'est elle d’ailleurs qui caractérisa cette fête populaire dont le succès fut incontestable.

Bonne humeur au bal organisé sous un hangar et où de gentils couples se disputèrent des baptêmes de l'air donnés en prix aux meilleurs danseurs ;  bonne humeur aux courses en sac, en dépit de quelques chutes qui causèrent plus de rire que de mal ; bonne humeur partout !

Et c'est ce que nous avons voulu!

Quand les autocars commencèrent à reprendre le chemin de Paris, vers six heures et demie, près de six Cents assistants avaient été  baptisés et Lalouette, qui est Pourtant un rude bonhomme, déclarait: « je suis fourbu ; j'en ai emmené pour mon compte plus de cent quarante! »
"A quatre par voyage, cela représente une honorable quantité de décollages et d'atterrissages, n'est il pas vrais ?"

Farman F190

Bien entendu, au- moment de  la séparation, on s'est  donné rendez-vous pour l'année prochaine et ce­ n'est certainement pas la Ligue Aéronautique de France qui  manquera le rendez-vous. Seulement, en 1931 gare à l'encombrement.  
Enfin on s'efforcera d'y parer.

 Félicitons-nous du succès de cette réunion. Nous nous étions fixés un but, nous l'avons atteint. Nous avions voulu que  le public entrât en contact direct et intime avec le monde de l'air ; nous  avions voulu  qu'il se familiarisât avec ce prodigieux outil qu'est l'avion et qu'il pût le voir  vivre de près. Les Etablissements Farman, l'Air-Service; le personnel de ces maisons, MM Coupet, Cazier et Aubert en tête, nous ont permis  de réaliser notre dessein au delà  de nos espérances. Qu'ils en soient remerciés.

Et remercions aussi le Service de ­la Propagande de la Ligue et  la dévouée Mme Charton qui en assure le fonctionnement avec tant d'empressement et d'amabilité ; remercions nos jeunes auxiliaires si plein de bonne volonté ; et notre sympathique secrétaire administratif M Boullant, et ces collaborateurs bénévoles que nous retrouvons en toute occasion, prêts à nous aider et de Ieur bonne parole ­et de leur action  vigoureuse, car il faut parfois de la vigueur pour maintenir douze  cents amateurs se disputant un maximum de six cents places.

Hâtons-nous d'ajouter que cette vigueur fut toujours souriante et que personne ne s'est plaint que sous le gant de velours  on ait senti la main de fer. Vais-je nommer tous, ceux qui nous ont assistés : MM. Gass,  Barberou, Prabonrieau, du Conseil d'administration, Berthe, Lamare-Picquot, Mury, Bertrand , Petit, Letmagny frères, Deunèvres, Burger, Hezard, Soubrier, d'autres encore qui ne m'en voudront pas si je ne les cite pas mais ils sont trop nombreux, et nous aurons certainement d'autres occasions de les inscrire à notre tableau d 'honneur. Et dire que j'allais, oublier M. Charton qui  - est-ce enthousiasme pour l'aviation, est-ce  soumission à  l'article- 213 du­ Code civil? ­- nous a prêté, lui· aussi, un concours infatigable et cela toujours avec le sourire.


AVIS

Ceux de  nos adhérents qui désireraient posséder des photographies leur rappelant les fêtes de Toussus et de  Vincennes, peuvent s'adresser à nos bureaux où ils en  trouveront un choix nombreux et varié


Source 
gallica.bnf.fr / BnF