mercredi 25 octobre 2017

Rayak, lieu et nœud stratégique au Levant

Vue de Rayak du Mont Liban et face à l'Anti-Liban
Qui pourrait mieux parler de la commune de Rayak que son maire Jean Macaron, lors de son allocution du 11 Novembre devant les anciens combattants de l’armée française résidant au Liban et son président à l’époque, M Marcel Laugel. (Lire article précédent)

« En quelques lignes, je voudrais dresser un rapide panorama du rôle  important que Rayak a joué, notamment dans les deux conflits mondiaux du siècle dernier.
La présence et l’influence française au Liban et en particulier à Rayak, remontent à fort longtemps. En effet, dès 1891, alors que le Liban est encore sous la domination ottomane, est entrepris le lancement de la voie ferrée à Rayak, emplacement choisi pour sa localisation stratégique au cœur du plateau de la Bekaa.
A travers ce grand projet, la population de Rayak, qui n’est encore qu’un petit bourg, commence à côtoyer pour la première fois les ingénieurs français, leur savoir-faire, la culture et la langue française, ce qui laisse une marque durable dans l’esprit des habitants du village, même si ces contacts sont encore éphémères.
Pendant la Première Guerre mondiale, un aéroport militaire : le deuxième aéroport à voir le jour au Liban, est construit par les troupes allemandes, qui concurrencent alors la Triple Entente dans la région du Levant.
A la suite de la Première Guerre mondiale et de la victoire de l’Entente, les Accords Sykes-Picot partagent le Levant entre la France et la Grande-Bretagne. Le Mandat français sur le Liban prend alors officiellement effet en 1920.

Avec la présence française, Rayak reprend peu à peu son rôle et retrouve de son éclat. Elle devient le carrefour de la Bekaa et l’une des villes les plus importantes sur la route de Damas, notamment pour le transfert de marchandises.

Des dizaines de familles françaises, exerçant des responsabilités au sein de la gare ou de l’aéroport s’établissent alors à Rayak. La ville se développe alors grandement, et accueille ces nouveaux arrivants qu’elle intègre en son sein. On voit naître des restaurants, des lieux d’échange, où les contremaîtres français côtoient les populations locales, qui elles aussi sont employées à la Gare ou à l’aéroport, et dans tout un ensemble de tâches qui découlent de ces infrastructures.
On voit ainsi naître à Rayak l’une des plus grandes bases aériennes françaises de la région, avec une caserne militaire, bâtie à l’entrée de la ville et toujours visible aujourd’hui. On voit aussi se constituer un véritable quartier français construit pour accueillir ces populations.
Dans cette première partie du Mandat, les nombreuses missions catholiques participent également à la fondation de multiples écoles, qui rivalisent d’excellence. Bien souvent ce sont les épouses des militaires et des ingénieurs français qui enseignent dans ces écoles. Ainsi, on va jusqu’à compter 8 écoles francophones établies dans la ville, dans lesquelles se côtoient les enfants des diverses communautés.

C’est donc l’époque où les échanges entre les populations françaises et les habitants de Rayak ne cessent de se développer. On y parle de plus en plus le français, et les habitants de Rayak s’engouent pour cette langue et pour cette culture. La présence française s’ancre ainsi aussi bien dans l’espace que dans les esprits.

On voit même de nombreux mariages entre populations françaises et libanaises, qui témoignent de l’absence de barrières. Tout un ensemble de coutumes voient alors le jour : Rayak devient la ville du vélo, on y joue à la belote, on y prépare de la charcuterie française, ainsi que tout un ensemble d’autres plats tout droit venus de France. Tout ceci démontre à quel point la présence française à Rayak n’est pas vécue comme provisoire, mais s’inscrit dans le temps et dans la volonté de subsister.
Certains évènements en particulier, marquent l’Histoire de Rayak, on pense par exemple au 7 août 1933, lorsque les deux aviateurs français : Maurice Rossi et Paul Codos battent le record du monde de distance en ligne droite. Ils se posent à Rayak après avoir parcouru, en 55 heures, 9 104 km sans escale depuis New York.

Rayak, du fait de ses infrastructures et de son emplacement joue à nouveau un rôle important, cette fois-ci durant la Seconde Guerre mondiale. Lors de la Campagne de Syrie en juillet 1941, les Britanniques bombardent la base française et les dépôts de Rayak, tenus alors par le Régime de Vichy.

Mais Rayak participe également à l’émergence du mouvement de Résistance (par exemple avec la création d’un groupe aérien de chasse de la France libre : Groupe Alsace le 15 septembre 1941). La population de Rayak s’y implique directement, et certains habitants de Rayak tombent au combat comme martyrs de la Résistance française, jusqu’à ce que cette dernière prenne  finalement le contrôle de la base militaire.

En septembre 1942, le Général de Gaulle rend visite à la base aérienne de Rayak (naissance du Groupe de Chasse Normandie). La gare et ses ateliers sont aussi largement mis à contribution dans l’effort de guerre français. Sous les ordres du lieutenant colonel Jean Morlaix, le savoir-faire combiné des ingénieurs : André Conche et Georges Khairallah, originaire de Rayak, accompagnés d’une équipe de 30 techniciens sélectionnés dans la région, permet  alors la création d’un avion de combat qui porte le nom de Rayak 43, et qui demeure le premier et le seul avion entièrement construit au Liban.

L’indépendance du Liban est déclarée le 22 novembre 1943. Le rôle de la France  à Rayak entre alors dans une nouvelle phase. Si certaines populations choisissent de rentrer en France, nombreuses sont celles qui, très attachées à la ville, préfèrent rester à Rayak.
Mais, on entre progressivement dans un mouvement de déclin, notamment à partir des années 50-60, sous l’effet de multiples facteurs. Rayak perd peu à peu son statut de nœud du réseau ferré libanais. La présence française s’estompe alors elle aussi peu à peu, en même temps que la ville perd son statut de poumon économique de la région.

Aujourd’hui Rayak est une ville paisible, au cœur du plateau de la Bekaa. On y respire l’air des villes pleines d’histoire. L’influence française est présente dans les bâtisses, dans les infrastructures, et surtout dans le souvenir des  populations.
A l’heure de la mondialisation et du tout anglais, la culture française reste bien représentée à Rayak, avec ces 8 écoles réputées, mais aussi à travers l’Université Antonine, qui continuent à faire de notre ville un fer de lance de la francophonie.

Notre projet, avec toute l’équipe municipale et l’ensemble des bonnes volontés, est simple. Il s’agit de tenter de faire renaître tant que possible cet âge d’or de Rayak, dans lequel notre ville était un symbole de l’ouverture culturelle et du dynamisme économique.

Du fait de ses liens uniques avec Rayak, nous souhaiterions que l’ambassade de France au Liban maintienne et renforce son intérêt et son attention à notre égard, dans tous les domaines, pour que la mémoire de ces liens historiques se perpétue aussi dans l’avenir. »

jeudi 19 octobre 2017

Sur le chemin de Rayak, une présence de la France omniprésente au pays du Cèdre

les trois arcades - la maison jaune
Lors de ce périple au Liban à la recherche d’informations sur la genèse du Régiment de Chasse Normandie Niémen dont est célébré cette année 75 ans d’existence, faire un aparté afin de remettre en relief la présence de la France dans ce pays et dont les échanges sont constants et solides, semble nécessaire.

Passage obligé à Beyrouth par la route de Damas qui fut durant toute la guerre civile du Liban  de 1975 à 1990, une ligne de démarcation entre l’Est et l’Ouest de la capitale la visite à  « Beit Beirut » dite « la maison jaune », nouvellement restaurée et inaugurée ; point de passage,  carrefour obligé des voies communications dans la capitale, devenait un must.

La maison jaune, en 1975 quand la guerre civile éclate au Liban, était devenue le point noir et la hantise de ceux qui se mettaient dans sa ligne de mire. Située le long de la ligne de démarcation, elle fût abandonné pas ses habitants, les francs-tireurs s’en emparèrent et devint leur nid. 

Ce bâtiment construit en 1924, lors du mandat français est d’une admirable architecture dans un mélange de styles ottoman, local et occidental, bâti en grès traditionnel de couleur ocre à l’origine du nom de l’édifice « la maison jaune »

Beit Beirut  ou "la maison jaune"
Sodeco / Beyrouth
Aujourd’hui, la municipalité de Beyrouth propriétaire des lieux a décidé avec ses partenaires, la Ville de Paris, le Ministère français des affaires étrangères et l’ambassade de France au Liban, de réhabiliter l’endroit et sauver ce patrimoine architectural afin de procurer un lieu de mémoire et une plateforme pour la recherche urbaine et le dialogue culturel. Un lieu de la mémoire, bien pensé, où l'on ne ressort pas indifférent

Un regard sur ce lieu sous un éclairage nouveau comme le fut l'aéroport et la gare ferroviaire de Rayak, carrefour stratégique depuis 1895, qui allait se dévoiler, une fois les autorisations de visite acquises.