jeudi 5 septembre 2024

L’aéro-parc d’Henri Tessier, commandant ADP de l’aéroport de Toussus

La récente réalisation du terrain de jeux d’enfants, par ADP,  face à la tour de contrôle et de la stèle d’Henri Tessier, est une belle ouverture à la convivialité entre Riverains et aéroports. 
En effet, que le public puisse voir les avions, fréquenter le terrain, se restaurer à proximité,  développe et améliore les relations de bon voisinage.

Le premier commandant de cet aéroport, Henri Tessier devrait être ravi par cette initiative.

1946, L’Etat désigne Les Aéroports de Paris comme gestionnaires de l’aérodrome de Toussus le Noble. La proximité de la capitale et la renommée passée de cet aérodrome en font le site idéal pour le développement de l'aviation de tourisme et d'affaires.

Au départ privée, la plateforme est devenue aérodrome d'Etat. Elle fut géré, comme tous les aérodromes, d’Etat de la région parisienne, par Aéroport de Paris.
La direction de Toussus-le-Noble a été confiée à Henry Tessier car Aéroport de Paris a compris l'intérêt de développer Toussus-le-Noble pour en faire un centre de l'Aviation privée.  Le Commandant Tessier fut secondé par le Commandant Bouchard. Ces hommes convenaient pour mener à bien ces objectifs et rendre l'aérodrome toujours plus accueillant à ceux qui le visitent afin de leur donner le désir d'y revenir et de participer eux-mêmes à ces activités aériennes.

Cette renaissance, datée du 24 octobre 1946 est  le jour où le commandant Henri Tessier, succède au commandant militaire Tromeur. Le terrain s’ouvre à la circulation aérienne publique, et est confirmée par l'arrêté ministériel du 6 février 1947. Le Normandie-Niemen est encore là pour quelques mois, il sera un important levier à cette renaissance. (notre prochain article)

Le commandant Tessier cherche à faire de Toussus-le-Noble un aérodrome agréable d'autant que l'idée d'un centre d'activités de loisirs qui découle de Farman et du Toussus-Paris, demeure dans les esprits. 
Les abords sont traités en pelouses et massifs de fleurs, régulièrement entretenus. 
Pour vanter les mérites de l'aérodrome de Toussus-le-Noble, Henri Tessier retrouve les arguments des frères Farman : l'attrait d'une région à vingt minutes du centre de Paris, le château de Versailles et la vallée de Chevreuse, pour d'agréables promenades aériennes et la possibilité de déjeuner dans un cadre privilégié. 
  Toussus va avoir ainsi son « aéro­parc » dont la concession a été accordée par l' Aéroport de Paris, à M. Michalet, lui-même pilote.  Cet « aéro-parc », qui se situera près de l'aérogare,  comprendra :

 1 °. Une station-service pour automobiles avec pompes à essence, lavage, graissage; atelier  de petit entretien et réparation de pneus; garage fermé pour les usagers du terrain, deux voitures 4 CV. destinées à la location sans chauffeur, une auto-école, ..­.  

  2°. Un parc de sport et de jeux avec Piste pour le vol circulaire des modèles réduits, golf miniature, volley-ball, spiro-ball, deux jeux de boules lyonnais, un parcours de « pétanque» marseillaise, un portique avec agrès, un service de location de bicyclettes d'enfants, autos mécaniques, trottinettes, un jardin d'enfants surveillé.

 3.  Un bureau de tourisme en liaison ­avec les  hôtels, les agences de théâtres, les entreprises d'excursions en autocar,  les compagnies aériennes, maritimes et ferroviaires ; ce bureau de tourisme centralisera  les demandes de baptêmes de l'air,  de vols à la demande, constituera le centre de propagande et de publicité en faveur de l'aérodrome et de ses  activités.

 4° un comptoir de vente d'articles de sport, de jeux et jouets aériens, de modèles réduits, de micro-moteurs, etc.., .

Pour Toussus-le-Noble c'est le début d’une ère prospère : le 20 juin suivant s'y tient en effet, la première fête aérienne de l'après-guerre avec une participation active du Normandie-Niemen. 
Les événements aériens s'enchaînent. L’engouement pour l'aviation populaire reste intact.  

lundi 2 septembre 2024

Les avions Fournier, l'aviation verte et les méandres de l’administration française

René Fournier au Fly In à Sorigny - 2024
Lors du Fly-in à Sorigny organisé par Antoine Ros, fondateur d'Early Aviators, pour la Commémoration des 70 ans du premier vol du CAP 30 Emeraude, Danièle Esparre a rencontré la famille PIEL. René Fournier,  créateur des « avions-planeurs » était présent, il fête ses 103 ans.

Dans de très nombreux pays, des pilotes ont le bonheur de voler aux commandes de ces avions, au faible coût d’exploitation. 

Leur pilotage et leur longévité sont unanimement appréciés. Ce créateur souhaitait se démarquer de l’escalade à la puissance et recherchait une formule d’avion fin, nécessitant peu de énergie. L'aspect visionnaire qu’il a su capter lui sera reconnu plus tard  comme le promoteur de l’aviation verte.

Avec son RF-01, après des années de mûrissement, jusqu’au RF-47, René Fournier a créé avec une nouvelle famille d’aéronefs, une nouvelle façon de voler.

Le RF-01 effectua son premier vol, le 30 mai 1960.  Des centaines d’appareils de sa marque, ou découlant d’elle, volent dans trente-cinq pays. Malheureusement, les responsables de l’Aviation civile de l’époque n’ont pas compris le véritable intérêt de sa formule. Ils lui compliquèrent même passablement la vie en lui imposant des normes inadaptées.

L’avion qu’il rêvait, il le décrit : « Mon avion, je le rêvais, ne serait pas comme les autres ; ce serait un oiseau voilier, un oiseau avec de longues ailes fines et pures ; un avion de poète, conçu pour planer, c’est à dire un « avion-planeur ».

Suit une évolution sur plusieurs modèles : RF-2, RF-3 et le RF4D un avion « qui se sent bien dans sa peau ». Quatre appareils sont construits par Alpavia. Mais déjà à l’époque, il est complexe de produire en France. Il n'y avait pas d’autre solution que de fermer l’usine et de partir Outre-Rhin. 
C’est la société Sportavia, créée à cet effet par Alphons Pützer, qui va désormais produire les avions Fournier sous licence. Le RF4 est le premier, auquel la lettre D est ajoutée, pour Deutschland. L’usine allemande produit le RF4 à une bonne cadence et en exporte dans une trentaine de pays

RF 5
Viennent les RF5 et RF5b, version biplace en tandem du RF4, ailes repliables. La conception et construction d’une dizaine d’exemplaires se font à Nitray (Indre-et-Loire). C’est une réussite  mais, pour la petite histoire, le moteur Rectimo du prototype lâche au bout de 50 heures de vols d’essais. Il faut donc trouver un autre moteur. Alphons Pützer rencontre alors Peter Limbach qui propose un 1700 cm3, dérivé aussi du VW. Classé motoplaneur en Allemagne, le RF5 se retrouve lui aussi classé dans la catégorie des « Avions fins à atterrissage plané court » en France où il n’y a toujours pas de catégorie «motoplaneur». 
Il n’est pas autorisé voltige en France. 
Bernard Chauvreau fait pourtant d’innombrables présentations de voltige, y compris au Bourget. En fait, on est en règle ou en défaut selon que l’immatriculation est allemande ou française !

Durant toute son activité, l’État n’avait toujours pas compris l’intérêt de la formule, malgré l’exemple et le succès des plagiaires un peu partout dans le monde. Faute de capitaux et d’un véritable soutien des pouvoirs publics, René Fournier n’a pas eu le succès industriel mérité.  

D’autres constructeurs, avec de vrais moyens financiers, s’y sont engouffrés en plagiant sans scrupules ce modèle d’avion aux longues ailes que l’administration européenne a baptisé 40 ans plus tard TMG (Touring motor gliders) pour les différencier des vrais planeurs motorisés.

Dans son bel ouvrage autobiographique, « Mon rêve et mes combats », René Fournier s’interroge. Pourquoi tant de contraintes et de contrôles aussi paralysants, et pourquoi ne sont-ils imposés qu’aux avions certifiés et pas aux avions en kit ou aux ULM ?  
Tout simplement parce qu’en signant une certification, l’État s’engage sur la qualité des futurs appareils produits. Pour se protéger, il impose de telles règles qu’il n’y a plus rien à faire. 
Telle est sa conclusion. 

A 70 ans, il arrête sa carrière aéronautique, mais il n’abandonne pas ses anciens clients et amis qu’il continue d’aider bénévolement, de ses conseils.

Aujourd’hui, il a 103 ans passé, il n’a qu’un seul regret : celui de ne pas être parti aux États-Unis, patrie de la libre entreprise, dès la sortie de son premier avion en 1960.

Texte inspiré de « Club Fournier International »


dimanche 4 août 2024

Toussus, Farman et l’aviation au Japon

Délégation Japonaise à Toussus le Noble 1910
Coll. Aériastory
Dès le début des relations entre la France et le Japon dans les années 1860, le domaine militaire joue un rôle prépondérant. La France apporte au Japon ses technologies et son savoir-faire, dispensé sur place par ses ingénieurs, et fournit le matériel d’armement le plus récent.

De 1886 à 1890, c’est la modernisation de la Marine impériale par l’ingénieur Émile Bertin qui conçoit ses nouveaux navires dont certains sont commandés en France et à partir des années 1910, la France fournit des avions de chasse et du matériel aéronautique.

Le Japon s’est intéressé à l’aviation, d’abord aux montgolfières, dès la fin de la période d’Edo. C’est un Français, Yves Paul Gaston Le Prieur (1885-1963), attaché naval auprès de l’ambassade de France à Tokyo, qui, avec son ami le capitaine Aibara Shirō 相原四郎 (1879-1911), va faire voler le premier planeur, construit de leurs mains en bambou et remorqué sur la place d’Ikenohata à Ueno le 26 décembre 1909, sur une longueur de 130 mètres et à une hauteur de 10 mètres. 

Le premier pilote japonais est formé en France, il s’agit de Tokugawa Yoshitoshi 徳川好敏 (1884-1963). Il rapporte de France un Henri-Farman avec lequel il effectue le premier vol d’un avion au Japon le 19 décembre 1910 sur le champ de manœuvre de Yoyogi à Tokyo. Le Henri-Farman, devenu célèbre, se retrouvera dans de nombreuses illustrations.

L’année 1911 s’avère une année charnière pour le Japon : les dirigeants politiques et militaires prennent conscience de l’importance de l’aviation qui exerce un attrait stratégique par la garantie qu’elle offre en matière de défense du pays et de protection de ses colonies, Formose et la Corée. Pour se constituer une force aérienne, le Japon se tourne vers la France qui est à l’avant-garde dans ce domaine, aussi bien sur le plan du matériel que de la pratique. Une mission de la Marine impériale visite la France en 1911, dirigée par le vice-amiral Shimamura Hayao 島村速雄 (1858-1923) qui visite l’école de pilotage de Maurice Farman (1877-1964) à Toussus  et fait son baptême de l’air avec le célèbre industriel comme pilote. En décidant de répondre favorablement à cette requête du Japon, la France pense à ses intérêts en Asie, notamment à l’Indochine. Cette coopération entre, de plus, parfaitement dans le cadre de l’arrangement de 1907. 

Un Farman à Oihama (Japon)
Une relation étroite se construit dans ce nouveau domaine de l’aviation, la France va transférer vers le Japon son savoir-faire et ses technologies pendant plus de vingt ans : dès 1912, formation de nouveaux pilotes japonais en France, fourniture d’avions Maurice Farman, Nieuport, Spad et Morane-Saulnier. L’armée de terre installe une première base à Tokorozawa dans le département de Saitama juste au nord de Tokyo, et la Marine sa première base aéronavale près de Yokosuka à Oihama (plus tard Oppama) avec des hydravions Maurice Farman, ensuite avec plusieurs Nieuport commandés en France en 1913.

Par le jeu des alliances, dont l’arrangement de 1907, le Japon déclare la guerre à l’Allemagne le 23 août 1914 ; le lendemain, une escadrille de l’armée de terre, composée de quatre Maurice-Farman et d’un Nieuport s’envole de Tokorozawa vers la Chine, suivie par celle de la Marine composée des quatre hydravions récemment acquis en France. À la suite de nombreux bombardements aériens, la concession allemande de Tsingtao (Qingdao) tombe le 7 novembre.

Source (https://journals.openedition.org)

mercredi 31 juillet 2024

Piel, les avions des aéro-clubs français

Danièle Esparre avec Antoine Ros 
et des membres de la famille Piel à Sorigny 
Les avions Piel ont constitué du début des années 1960 à la fin des années 1970, une bonne part de la flotte des aéro-clubs français. Il a dessiné et construit une gamme d'avions riche d'une douzaine de modèles différents.  

Né d’un père menuisier, le jeune Claude accompagnait son père qui travaillait chez le constructeur d’avion Bernard, à la Courneuve. 

 Plus tard il sera diplômé maquettiste, dessinateur – projeteur. Il entre à la SECA à Pantin où il participe à la construction des Lignel 30 « Mistral » (construits en bois), puis à la CAPRA (qui deviendra plus tard la MATRA). Il construit alors, des maquettes grandeur d’aménagement d’avions de chasse. 
Il travaille également sur les bombardiers LeO 45, CAPRA R-80 et 90.
Passé à la MATRA il suit le bureau d’étude délocalisé à Pau, pour cause d’invasion Allemande, où il construit des maquettes de soufflerie.
La zone sud étant occupée à son tour, la MATRA remonte à Paris (La Courneuve). C’est l’époque où le jeune Piel s’adonne au modélisme avec son copain Roger Holleville. 
Il pratique également le vol à voile à Beynes.

Piel CP 30 Emeraude à Toussus le Noble
Crédit photo Bruno Muthelet
Un jour il découvre le livre écrit par Henri Mignet « Le sport de l'air ». Immédiatement emballé, Claude Piel entreprend aussitôt l’étude et la construction d’un HM 14, mais modifié selon ses idées… Ce sera le premier avion d’une longue lignée : le CP 10 pour enfin finir par le CP 150 produit par Auguste Mudry sur l'aérodrome normand de Bernay puis chez Cap Aviation à Darois.

Les premiers avions Piel ont arboré des noms de personnages de dessins animés (Pinocchio et Donald) les suivants se métamorphoseront en pierres précieuses (Emeraude, Diamant, Béryl, Saphir et Onyx. 

Claude Piel décède en 1982 à l'âge de 62 ans. 

Marie-Eve Bréguet et Danièle Esparre
Fly In Sorigny
C’est au premier Fly-in organisé par Antoine Ros, fondateur d'Early Aviators, à Tours-Sorigny pour la Commémoration des 70 ans du premier vol du CAP 30 Emeraude que Danièle Esparre a rencontré la famille PIEL, René Fournier (103 ans), créateur des « avions-planeurs », Marie-Eve Breguet, la petite fille du constructeur, ainsi que Yves Tariel pilote. Il a écrit "L'histoire du Douglas DC-3" Paru en décembre 1985, et a fait l'objet d'une vidéo que l'on retrouve dans la playlist "Fais moi rêver !" de la chaîne aériastory.

Maintenant, c'est au tour de Gregory et Athina les petits enfants de Claude Piel qui nous racontent leurs parcours et nous font rêver autour de cette nouvelle vidéo.


mercredi 10 juillet 2024

Compte rendu de la visite des frères Farman, en France

Dave et Colin Farman, Gérard Finan  2024
Maquette Maurice Farman - Toussus le Noble

Les deux frères Colin et Dave Farman, souhaitent remonter le temps à la decouverte de membres de leur famille dont ils avaient perdu tout contact depuis plusieurs générations.

Apprendre cette histoire et renouer des liens seront les objectifs de ces deux frères qui opèrent une première visite en France sur les traces de leurs aïeux.

Dave et Colin nous ont fait le plaisir de nous envoyer un compte-rendu de cette première visite. 

Elle est intéressante à plusieurs niveaux car c'est avec l'oeil de l'explorateur que se met en lumière les scènes qui nous paraissent aujourd'hui des plus quotidiennes.

Les comptes rendus en anglais et en français sont sur les liens suivants en cliquant sur le drapeau respectif :

 

 

lundi 8 juillet 2024

Farman Angleterre et Aeriastory, un chemin qui se trace !

Colin et Dave Farman
en visite à Toussus le Noble
Pour les descendants d'une famille qui découvre  le parcours de leurs aïeux ayant marqué l'histoire de l'aéronautique mondiale,  retracer le parcours de leurs ancêtres et dessiner leur arbre généalogique c'est construire un jeu de pistes. 
La branche anglaise avait perdu le contact avec celle de France, depuis plusieurs générations, les objectifs seront de préserver, raviver et valoriser cette trace qu'ils avaient perdue.

Un retour dans le temps et sur les lieux leur permettra de reprendre contact, célébrer l'héritage familial avec leurs générations futures.

Ainsi, David et Colin Farman ont organisé leur périple à la découverte de cette branche qui les a conduit en région parisienne.
Il fallait opérer un retour sur 9 générations pour cerner le tracé de la famille, l’une restée en Grande Bretagne et l’autre venue s’installer en France, devenue pionnière de l’aviation et dont ils avaient à peine entendu parler.

Cent cinquante ans plus tard, en juin 2024, Colin et David, débarquent en France.  
Ils veulent aller à la rencontre de la famille française et s'enrichir de cette histoire orale,  qu’ils ne connaissaient pas, recueillir des souvenirs et dresser un arbre généalogique complétant les liens familiaux rompus.

Les rendez-vous sont pris auprès de l’Aéroclub de France, du Musée de l’Air et de l’Espace, des organismes et des municipalités, afin de consulter et de visiter des lieux  relatant les exploits de leurs ancêtres entre Bouy,  Issy le Moulineaux,  Mourmelon, Reims, Toussus le Noble …

L'association Aériastory était ravie de recevoir Colin et David.
Un chemin qui se trace aujourd'hui entre Aeriastory et Farman en Angleterre.  

Une piste qui , nous n'en doutons pas, débouchera sur une autoroute. Elle nous rappellerait le parcours avec l'artiste Sol Vidal Massaguer, Barcelone et l'influence de la France dans l'histoire de l'aviation espagnole que nos articles et vidéos ont relatés depuis 2019.

jeudi 4 juillet 2024

Maurice Tromeur, dernier commandant de l’Armée de l’Air à Toussus le Noble

Maurice Tromeur
C'est le Mémorial Normandie-Niemen et des details sur le carnet de vol de l'escadrille à Toussus qui nous met sur la piste de ce commandant.
Un parcours que nous découvrons et qui n'est pas sans rappeler le film "la grande évasion" avec Steve McQueen.

Daniel Tromeur, son fils, raconte :

"J’ai fait un focus sur la carrière militaire de mon père Maurice Tromeur.

Il est né le 15 juillet 1915 à St Marc maintenant intégré à Brest. Il a fait l’Ecole Breguet puis l’Ecole Militaire de l’Air en 1937 à Versailles. 
Il a appris à piloter sur Potez 25 et obtenu son brevet de pilote. A sa sortie, il a été affecté en 1939 à Damas sur Potez 63-11 de reconnaissance. Durant ce parcours, il a croisé Saint Exupéry.
Après l’Armistice, il a refusé de servir sous les couleurs de Vichy. Il est entré en résistance en Bretagne. 
Dénoncé, il a été fait prisonnier. Il réussit à s’évader du convoi qui l’emmenait en Allemagne pour y être déporté."

C’est Maurice Tromeur lui-même qui raconte la période de son arrestation et de son évasion. 

Maurice Tromeur
"Date d’entrée dans la Résistance juillet 1943 en Bretagne dans le maquis de Carhaix. En revenant de la "zone libre ", j’avais un contact, celui de Pierrot Feunteun et son adresse 20 rue du Bourg les Bourgs à Quimper.
J’ai pu le joindre fin juin ou début juillet 43. Ce brave garçon était déjà dans les rangs du BOA (Bureau des Opérations Aériennes), branche Action. J’ai été admis comme participant occasionnel (PO), chargé de la recherche de surfaces pouvant convenir pour des parachutages ou des atterrissages d’avions légers (Lysander). En octobre 1943, j’ai été contacté par M. Le Maigre pour m’engager dans le mouvement Libération-Nord. Du fait de l’arrestation de Pierrot Feunteun, j’étais "coupé " du BOA et donc disponible.

Peu après, après l’arrivée de P. Guezennec, capitaine des Troupes Coloniales (action), le groupement des résistants de Carhaix a été désigné "compagnie de la Tour d’Auvergne ". Vu l'afflux de volontaires, la compagnie a été transformée en Bataillon avec 3 puis 6 compagnies et un corps franc (Maquis Tonton Le Braz).
J’ai été arrêté le 15 mai 1944 à la suite du parachutage du 11 mai (Terrain du pont de Pénity. J’ai été détenu quelques jours à Carhaix (Château-Rouge), puis transféré à la prison St Charles de Quimper,  puis sur Rennes où un convoi de déportés est constitué pour l'Allemagne vers les camps de la mort. Je me suis évadé lors d’un bombardement de la gare à St-Pierre-des-Corps le 7 août 1944.

Mon arrestation

J’ai été arrêté chez ma belle mère, 1 rue Constant Lancien à Carhaix par un feldwebel et 2 soldats de la Feldgendarmerie et enfermé dans une des caves du château où était installé un détachement de Sicheren Dist (SD), policiers allemands chargés de la sécurité des troupes d’occupation, assimilé à la Gestapo.

J’ai été une première fois interrogé à la prison St-Charles par deux militaires de la SD, le 8 juin, qui m’ont d’abord fait l ire une déposition en allemand et signée par le capitaine Guezennec, écrite le 13 mai. Sous ma réponse négative, pourtant sincère car je ne connaissais pas l’allemand ni la signature de Guézennec, j’ai été attaché pieds et poings liés avec un manche à balai passé entre coudes et genoux. L'interrogatoire portait sur des cours d’instruction sur des mitraillettes STEN et des explosifs (Plastic) que j’avais réellement dirigé. Chaque réponse négative était suivie de coups de matraque ou de câble électrique de forte section pour varier le plaisir. La séance avait duré environ deux heures et l’on m’en promettait une autre le lendemain. En rentrant de la salle d’interrogatoire, j’ai pu me rendre compte que l’on était entassé à une dizaine dans une cellule prévue pour deux. J’ai été malade toute la nuit (résorption des ecchymoses avec forte fièvre).

Transfert sur Rennes et tentative d'évasion

Au matin, nous avons été amenés dans un train stationnant en pleine voie à St Yvi au sud-ouest de Quimper. Les wagons de ce train avaient été aménagés avant que nous ne les occupions pour éviter les évasions de part et d’autre de la porte centrale à glissière, deux cloisons en bois avaient été dressées avec comme accès, juste une "chatière " d’environ 50 cm sur 50 cm. Pendant le voyage vers Rennes, des jeunes de la région de Quimeneven s’étaient évadés vers St-Mars-du-Désert en soulevant et cassant des planches du toit de leur wagon, faisant ainsi pas mal de bruit. Mais leurs gardiens, en plein sommeil éthylique n’avaient rien entendu.

Pendant ce temps, dans notre wagon et grâce à une scie à métaux dissimulée dans la chaussure de P. Feunteun (comme on se retrouve !), nous nous sommes relayés à trois ou quatre pour aménager un trou de 30 sur 20 à peu près, lorsque le train s’arrête brutalement en gare de Redon à côté d’un train de chars. Le bruit, s’il n’avait pas réveillé les gardiens ivres, avait mis en alerte ceux des autres wagons et surtout le " Shapsfeldwebel " (super adjudant chef). Dès l’arrêt, on nous fait évacuer, sans ménagement de nos wagons pour une inspection détaillée. Bien entendu, le travail de la scie à métaux est vite découvert et tous les occupants du compartiment sont placés devant deux soldats armés de mitraillettes le doigt sur la détente. Puis l’un après l’autre, nous sommes amenés dans une sorte de blockhaus. Au bout d’un moment, on revient me chercher et, sans plus d’explication, le chef du convoi et un autre sous-officier me frappent l’un avec une boucle de ceinturon, l'autre avec une crosse de fusil. Je suis bientôt en sang et l'épaule gauche très abîmée. Puis on amène P.Feunteun qui me supplie de dire que j’étais au courant des dégâts faits au wagon pour qu’il ne soit pas fusillé séance tenante.
Les Allemands voulaient connaître les complices et si ces dégâts avaient été faits après l’arrêt du train en gare de Questembert, où nous avions dû promettre de ne pas essayer de nous évader. Comme j’avais été changé de wagon à cet arrêt, je pouvais attester que la tentative avait eu lieu avant ce qui rassurait le chef de convoi et il ne pouvait nous accuser de "parjures ". Puis nous avons été ligotés attachés l’un contre l’autre, face à face et placés dans un compartiment vidé au préalable de ses occupants. Les liens étaient si serrés que le sang ne circulait pas dans nos pieds et nos mains. En coordonnant nos mouvements, nous avons pu desserrer ces liens et rétablir la circulation. Lorsque le train s’est arrêté en gare de Rennes, on nous a enlevé nos liens et mis des menottes. En arrivant au camp Marguerite, le chef de convoi nous a présentés au chef de camp en expliquant que nous étions des menteurs et des saboteurs (Feunteun comprenant assez bien l’allemand). Heureusement, ce chef de camp était un Autrichien catholique et a donc donné l’ordre de nous libérer et de nous faire rejoindre nos compagnons de misère dans la baraque.

Le départ de Rennes

Nous avons quitté Rennes le 3 août 1944 je crois. Au Lion-d’Angers notre convoi a été rejoint par celui formé de ceux qui étaient restés après nous au camp Marguerite, ce qui allongeait le train.

Lors du mitraillage du convoi à l’avant par les Américains, certains wagons se trouvaient en dehors de la gare et beaucoup de prisonniers se sont évadés. Notre wagon se trouvait malheureusement à l’intérieur où la surveillance était plus dense et plus proche. Le train est hors d’état, on nous fait cheminer à pied jusqu’à St-Pierre-des-Corps où un autre train nous était destiné.

Mon évasion à St-Pierre-des-Corps

A peine avions nous intégré notre nouveau domicile que la gare est prise sous un bombardement violent.  Aussitôt, nos gardiens nous bouclent dans les wagons et vont se mettre dans les abris situés du même côté de la voie. Dès l’arrivée dans les lieux, j’avais jeté un coup d’œil sur les fermetures et j’avais constaté qu’une lucarne n’était fermée que par un bout de fil de fer barbelé. Dès le commencement du bombardement,  j’ai enlevé le barbelé et me suis "jeté " par la lucarne. Je me trouvais dans un fouillis de wagons en rames plus ou moins longue. Je me suis éloigné de mon point de départ en me faufilant sous les wagons et en débouchant enfin sur une belle prairie. Me sentant à découvert, j’ai pris mes jambes à mon cou et, malgré mon handicap et mes fatigues,  j’ai traversé la prairie très rapidement. M’éloignant le plus possible de la gare par crainte des recherches allemandes,  je suis arrivé sur le Cher dont les ponts étaient gardés. J’ai traversé cette rivière on me soutenant à une planche. J’ai passé la fin de la journée dans un petit bois et au petit matin j’ai traversé Tours pour arriver à Mettray où les gendarmes m’ont procuré des vêtements convenables et m’ont amené à une ferme moulin où j’ai pu manger à ma faim tout en travaillant pour la rentrée du blé.

Mon retour au pays

Les lignes américaines ayant avancé jusqu’à 6 km de mon refuge, je suis parti à pied, traversé un champ de mines et me suis présenté à un lieutenant Canadien qui ne s’est pas intéressé à mon cas, même pas pour me permettre de prendre place dans un véhicule allant en direction du Mans. Poursuivant ma route, je suis arrivé à Neuilly-Pont-Pierre où il y avait un groupe de FFI commandé par un commandant de l'Armée de l’Air en retraite. J’ai séjourné un jour ou deux avec eux, leur prodiguant des conseils sur l’utilisation des armes avec dépannage d’un fusil-mitrailleur 24/29. Ces compagnons d’un jour m’ont fait transporté par un camion de choux-fleurs jusqu’au Lude. Puis par des moyens divers,  une charrette à cheval, du "stop " sur la N23 sillonnée de nombreux convois. Après avoir été hébergé à Vitré, dans une famille très sympathique, j’ai été pris en charge par un officier FTPF de Callac où j’ai passé la nuit. Le lendemain, CaIlac-Rostronen (24 km) à pied où j’ai trouvé facilement un véhicule rentrant sur Carhaix."

Son parcours à la fin de la guerre.

Carnet de vols du Normandie-Niemen
à Toussus le Noble dont M Tromeur avait fait partie

A la Libération, il a eu plusieurs affectations comme commandant de bases dont Toussus le Noble et Lann Bihoué dont il fut le dernier commandant Armée de l’Air puisque les deux bases sont devenues Aéronavale après lui.

Entre 1945 et 1948, sur ses carnets de vol, il apparaît qu’il a volé avec des pilotes du Normandie Niemen à Toussus le Noble avec Taburet, Mahé, Risso, Dechanet.
Des carnets de vol à Toussus, que le Mémorial Normandie Niemen nous fait parvenir.

Maurice Tromeur fut le  dernier commandant Armée de l’air, du centre d’aviation militaire  de Toussus le Noble jusqu’en 1946. Un centre d’aviation militaire qui existait depuis 1910, à proximité de celui de Farman et de REP. 

Tous ses premiers carnets de vol ont été saisis par les autorités de Vichy.

 Après plusieurs postes au Ministère de l’Air, il a été nommé commandant de la base de Zénata Tlemcen (Algérie)  pendant presque 3 ans, où il volait sur T6, P47, Sipa 12.
A son retour, il occupe plusieurs postes. En 1967, il prend sa retraite de l’Armée de l’Air avec le grade de colonel.

Il décède en 1985 à Lorient.