lundi 2 septembre 2024

Les avions Fournier, l'aviation verte et les méandres de l’administration française

René Fournier au Fly In à Sorigny - 2024
Lors du Fly-in à Sorigny organisé par Antoine Ros, fondateur d'Early Aviators, pour la Commémoration des 70 ans du premier vol du CAP 30 Emeraude, Danièle Esparre a rencontré la famille PIEL. René Fournier,  créateur des « avions-planeurs » était présent, il fête ses 103 ans.

Dans de très nombreux pays, des pilotes ont le bonheur de voler aux commandes de ces avions, au faible coût d’exploitation. 

Leur pilotage et leur longévité sont unanimement appréciés. Ce créateur souhaitait se démarquer de l’escalade à la puissance et recherchait une formule d’avion fin, nécessitant peu de énergie. L'aspect visionnaire qu’il a su capter lui sera reconnu plus tard  comme le promoteur de l’aviation verte.

Avec son RF-01, après des années de mûrissement, jusqu’au RF-47, René Fournier a créé avec une nouvelle famille d’aéronefs, une nouvelle façon de voler.

Le RF-01 effectua son premier vol, le 30 mai 1960.  Des centaines d’appareils de sa marque, ou découlant d’elle, volent dans trente-cinq pays. Malheureusement, les responsables de l’Aviation civile de l’époque n’ont pas compris le véritable intérêt de sa formule. Ils lui compliquèrent même passablement la vie en lui imposant des normes inadaptées.

L’avion qu’il rêvait, il le décrit : « Mon avion, je le rêvais, ne serait pas comme les autres ; ce serait un oiseau voilier, un oiseau avec de longues ailes fines et pures ; un avion de poète, conçu pour planer, c’est à dire un « avion-planeur ».

Suit une évolution sur plusieurs modèles : RF-2, RF-3 et le RF4D un avion « qui se sent bien dans sa peau ». Quatre appareils sont construits par Alpavia. Mais déjà à l’époque, il est complexe de produire en France. Il n'y avait pas d’autre solution que de fermer l’usine et de partir Outre-Rhin. 
C’est la société Sportavia, créée à cet effet par Alphons Pützer, qui va désormais produire les avions Fournier sous licence. Le RF4 est le premier, auquel la lettre D est ajoutée, pour Deutschland. L’usine allemande produit le RF4 à une bonne cadence et en exporte dans une trentaine de pays

RF 5
Viennent les RF5 et RF5b, version biplace en tandem du RF4, ailes repliables. La conception et construction d’une dizaine d’exemplaires se font à Nitray (Indre-et-Loire). C’est une réussite  mais, pour la petite histoire, le moteur Rectimo du prototype lâche au bout de 50 heures de vols d’essais. Il faut donc trouver un autre moteur. Alphons Pützer rencontre alors Peter Limbach qui propose un 1700 cm3, dérivé aussi du VW. Classé motoplaneur en Allemagne, le RF5 se retrouve lui aussi classé dans la catégorie des « Avions fins à atterrissage plané court » en France où il n’y a toujours pas de catégorie «motoplaneur». 
Il n’est pas autorisé voltige en France. 
Bernard Chauvreau fait pourtant d’innombrables présentations de voltige, y compris au Bourget. En fait, on est en règle ou en défaut selon que l’immatriculation est allemande ou française !

Durant toute son activité, l’État n’avait toujours pas compris l’intérêt de la formule, malgré l’exemple et le succès des plagiaires un peu partout dans le monde. Faute de capitaux et d’un véritable soutien des pouvoirs publics, René Fournier n’a pas eu le succès industriel mérité.  

D’autres constructeurs, avec de vrais moyens financiers, s’y sont engouffrés en plagiant sans scrupules ce modèle d’avion aux longues ailes que l’administration européenne a baptisé 40 ans plus tard TMG (Touring motor gliders) pour les différencier des vrais planeurs motorisés.

Dans son bel ouvrage autobiographique, « Mon rêve et mes combats », René Fournier s’interroge. Pourquoi tant de contraintes et de contrôles aussi paralysants, et pourquoi ne sont-ils imposés qu’aux avions certifiés et pas aux avions en kit ou aux ULM ?  
Tout simplement parce qu’en signant une certification, l’État s’engage sur la qualité des futurs appareils produits. Pour se protéger, il impose de telles règles qu’il n’y a plus rien à faire. 
Telle est sa conclusion. 

A 70 ans, il arrête sa carrière aéronautique, mais il n’abandonne pas ses anciens clients et amis qu’il continue d’aider bénévolement, de ses conseils.

Aujourd’hui, il a 103 ans passé, il n’a qu’un seul regret : celui de ne pas être parti aux États-Unis, patrie de la libre entreprise, dès la sortie de son premier avion en 1960.

Texte inspiré de « Club Fournier International »