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Forêt des Cèdres - Liban Genèse du Normandie-Niemen (Aériastory) |
En
collaboration avec le SIAB et VGP, la préparation d'une piste pédestre sur le thème
des pionniers de l'aviation nous a mené au site internet du Domaine de Monteclin. C'est
là qu'est mentionné le nom de Jean Demozay, dont l'avion
s'est tragiquement écrasé en 1945 dans le parc du Château des Côtes aux Loges-en-Josas.
Cette coïncidence
géographique nous ramène à 2017, lorsqu'Aeriastory a eu l'opportunité de
revisiter la base aérienne de Rayack au Liban. Le commandant de la base
nous a alors raconté l'histoire d'un célèbre avion français, le Rayack-43,
qui y avait été construit.
Cette anecdote nous a poussés à nous interroger :
le premier avion de la France Libre et des FAFL aurait-il vu le jour
au Liban ?
La Résurrection des Forces Aériennes Françaises
Revenons en 1943,
en Algérie, où le Général de Gaulle s'attelait à la refondation des Forces
Aériennes Françaises Libres (FAFL). Il nomma le Général René Bouscat Chef
d'état-major de l'Armée de l'Air. Le 8 août 1943, une conférence majeure à
Alger aboutit à l'adoption du "Plan VII" de Bouscat par les
Alliés. Ce plan ambitieux visait à créer, avant le printemps 1944, 30
groupes aériens modernes (chasse, bombardement, défense côtière,
reconnaissance, transport) répartis entre la Grande-Bretagne, la Méditerranée
et l'URSS.
Rayack, un Point Stratégique au Levant
À cette
époque, la France conservait une présence significative au Levant,
notamment au Liban et en Syrie. En 1941, durant la Seconde Guerre mondiale,
l'aérodrome de Rayack, situé dans la plaine libanaise de la Bekaa et sous le contrôle du gouvernement de Vichy, devint un site stratégique.
Son utilisation par les Allemands provoqua l'intervention des forces
britanniques et des Forces Françaises Libres, menant à une période sombre de
"guerre fratricide", documentée dans nos articles et vidéos sur la
genèse du Normandie-Niemen et les périples de Jean Tulasne, commandant de l'escadrille Normandie qui deviendra le fameux Neuneu.
La Mission du Colonel Morlaix et la Naissance du
Rayack-43
À l'été
1943, le Général de Gaulle confia une mission cruciale au Lieutenant-Colonel
Jean-François Demozay, plus connu sous le nom de Morlaix. Son parcours
était extraordinaire : bien que réformé à l'origine, il devint un pilote
émérite au sein de la Royal Air Force, accumulant 24 victoires. De Gaulle lui
donna pour directive de mettre en place une formation de pilotes français,
dispensée par des instructeurs français, sur des avions français, et sur une
base française.
Morlaix
accepta cette tâche avec enthousiasme, et la base de Rayack fut désignée
pour ce projet ambitieux. Le principal défi résidait dans l'absence d'un
avion-école adapté pour la formation des nouveaux pilotes.
C'est alors que de
Gaulle le mit au défi : "Vous n'en avez pas ? Eh bien, vous le
construirez, Morlaix !"
Avec le
soutien de l'Aspirant Raymond Forgeat et des ingénieurs André Conche et Georges
Khairallah, ils firent une découverte providentielle : un Caudron
C600-Aiglon. Probablement celui de Suzanne Kohn, laissé en Syrie lors de son raid Paris Madagascar en 1939. C'est un excellent avion d'entraînement nécessitant seulement une
remise en état. Morlaix prit la décision de construire douze appareils
identiques, qu'il baptisa Rayack-43, en hommage au
lieu et à l'année de sa fabrication.
Malgré les
pénuries de matériaux, l'équipe de Morlaix, composée de dessinateurs talentueux
comme Roger Simon et Jean Ouvrard, et d'ouvriers libanais, travailla sans
relâche. Ils durent se procurer du contre-plaqué en Turquie et trouver des
moteurs De Havilland «Gipsy Major» de 130 ch (utilisés sur les Tiger Moth) dans
les stocks de la RAF pour remplacer les moteurs Renault d'origine.
Le premier Rayack-43
fut achevé en mars 1944. Morlaix insista pour être le pilote du vol inaugural,
malgré les inquiétudes de son entourage. Le vol fut un succès retentissant,
confirmant la viabilité de l'appareil et la qualité du travail accompli.
Morlaix espérait alors accélérer la production pour former une petite
escadrille volante.
La Fin du Projet et le Destin Tragique du Colonel
Morlaix
Malheureusement,
ce succès fut de courte durée. En avril 1944, le Colonel Morlaix fut rappelé à
Alger pour une mission en URSS, puis pour prendre le commandement du Groupement
Léger Patrie en France libérée.
À Rayack,
l'arrivée d'un nouveau commandant mit fin au projet. Jugeant la fabrication des
Rayack-43 inutile, il licencia le personnel libanais et les prototypes
furent détruits. Dégoûtés, Conche démissionna et Forgeat rejoignit les
parachutistes.
Tragiquement,
le Colonel Morlaix trouva la mort le 19 décembre 1945, à moins de 40 ans, dans
un accident d'avion.
Le bimoteur militaire NC.701 «Martinet» à bord duquel il
se trouvait, en provenance de Londres, pour Velizy-Villacoublay, s'écrasa dans le parc du château des Cotes aux Loge-en-Josas, non loin des terrains de Buc et de Toussus-le-Noble. Tous
les passagers périrent dans l'accident. Morlaix laissa derrière lui un palmarès
impressionnant et le souvenir d'un homme qui, face à l'adversité, avait su
construire un avion de toutes pièces pour servir la France Libre.
C'est une
histoire fascinante de résilience et d'ingéniosité dans des circonstances
extrêmes.